La Guerre des Clans
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Après le drame de l'Assemblée sanglante, la vie reprend son cours...normalement ?
 
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 Broken life (pv Illu')

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Admine
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MessageSujet: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty30/8/2009, 23:43

Broken life



Les ombres insondables des Quatre Chênes noyaient de leurs imposantes statures le parterre éclatant de blancheur qui s’étendait à perte de vue sous le feuillage impénétrable de multiples végétaux. Ils étaient tous là. Les Quatre Clans de la forêt. Majestueuses silhouettes irradiées par la pleine lune, les chefs des différentes tribus se donnaient la réplique du haut du Grand Rocher qui présidait chaque réunion, tandis que l’Assemblée n’avait pas encore commencé. Les nombreux novices qui avaient l’honneur de participer à l’événement étaient ahuris, ébahis par tant de lumière… Parmi tous ces petits êtres aux yeux impressionnables, se trouvait Nuage d’Argent, jeune apprenti en cours de formation. Le jeune chat avait reçu les consignes de son mentor, Croc de Saphir, concernant le comportement à adopter lors des Assemblées… Le novice appliquait à la lettre ces recommandations, et essayait de faire connaissance avec d’autres chats de tribus différentes. Soudain, toutes les têtes convergèrent vers un même endroit et, du sommet du Grand Rocher, un des chef hurla : « Le Clan du Chaos ! ».Aussitôt, toutes les conversations cessèrent, les sourires se muèrent instantanément en feulements, les vibrisses s’agitèrent… et le combat éclata. Une marée de chats inconnus aux prunelles enflammées s’appropria alors les Quatre Chênes, et leur couleur, le sang, teinta peu à peu le sol neigeux. Brusquement, une douleur lacéra le dos de Nuage d’Argent, et il s’effondra au sol, inconscient. Une lumière irradiante l’aveugla alors…


Le souffle court, haletant, les prunelles étrécies, les griffes sorties, le cœur battant la chamade, Plume d’Argent se réveilla en sursaut. En remarquant les poitrines de ses congénères se soulever à intervalle réguliers et le bruit de leur respirations pesantes masquer les bruits alentours, on aurait presque pu entendre le guerrier gris ronronner… La saison chaude battait son plein, et la place des vétérans dans la tanière des guerriers était toujours la plus fraîche en cette période, en l’occurrence près de la sortie de leur antre. Un peu sonné par son horrible cauchemar, le jeune lieutenant s’ébroua et se précipita à l’extérieur du dortoir, comme si son atmosphère réconfortante lui donnait la nausée. Respirant à pleins poumons cet air plus pur, Plume d’Argent se détendit enfin. Ce n’était pas la première fois que ce songe venait l’assaillir dans son sommeil, et il ne doutait pas que ce ne serait pas la dernière… Même si, au camp, tout le monde s’efforçait d’être joyeux, les sourires d’antan s’étaient raccourcis, les humeurs s’étaient quelque peu aigries, et le coeur n’y était plus. Dirigé par un chef brisé, le Clan de la Rivière n’avait plus que l’ombre de son prestige d’avant-guerre. Après cette horrible bataille, l’ancien lieutenant du Clan, Cœur Démesuré avait succombé à ses blessures, laissant le Clan sans second. Le lendemain, la mine défaite, c’était un Etoile du Brigand affaibli, rompu, qui avait nommé Plume d’Argent pour le seconder. Beaucoup de guerriers avait alors pris le choix de leur meneur pour une erreur monumentale, si bien qu’au tout début, la nouvelle tête du Clan n’avait pas été obéie. Bien heureusement, ce temps était révolu et Plume d’Argent avait endossé pleinement ses nouvelles responsabilités. Comme une mouche change d’âne, le fil de ses pensées s’arrêta sur l’image de son chef. Il n’était vraiment plus le charismatique meneur qu’il avait été jusqu’alors. Son beau pelage roux d’ordinaire si flamboyant s’était terni, l’éclat de ses yeux émeraude s’était voilé par la douleur. Sa carrure s’était voûtée, et il ne sortait quasiment plus de sa tanière. Contraint de remplir deux devoirs, Plume d’Argent s’occupait de tout. Les patrouilles étaient méticuleusement organisées, les postes aux frontières soigneusement gardées, les expéditions de chasse rodées à la perfection… Il participait lui-même aux patrouilles de nuit qui gardaient l’entrée du camp en prévision d’une éventuelle attaque du Clan du Chaos. Inutile de préciser que ces lourdes tâches l’épuisaient.

Une fine pluie se mit alors à tomber, faisant vibrer l’écho des feuilles et clapoter doucement la rivière non loin de là. Après un instant passé à chérir cette ondée tant attendue, le chasseur se dirigea vers la rivière afin d’y prendre un bain revigorant. Par les temps chauds qui couraient seul le Clan de la Rivière pouvait se désaltérer et s’hydrater à volonté auprès de cette onde protectrice… Les petits pas du lieutenant le menèrent devant l’étendue bleu foncée. Sans plus attendre, il plongea, sans projeter une goutte. La fraîcheur de l’eau le saisit et il se mit à nager. Ses muscles se dénouèrent, et il se sentait fort, prêt à défendre son Clan. Sa déambulation en solitaire l’amena près du gué qui formait la jointure entre son Clan et celui du Tonnerre. Son esprit s’assombrit alors. Il repensait à Lune des Sables, sa douce dulcinée… Leur deux regards amoureux ne s’était plus jamais croisés depuis cette fameuse Assemblée, et l’absence de la chatte roux pâle lui était tout bonnement insupportable. Sans elle, la nature lui semblait tout simplement plus fade, avec un rayon de générosité, de chair, de bonheur en moins. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, le grand matou gris n’était encore qu’un apprenti…et elle une guerrière. Il s’était presque excusé de n’avoir pas encore été nommé au poste de guerrier. Il la revit alors lui dire « Nous avons toute la vie. » Plume d’Argent avait été rassuré d’entendre ses paroles. Mais aujourd’hui, la donne était diamétralement opposée. Comment se voir, s’ils étaient consignés au camp ? Tout en elle lui manquait.

L’esprit complètement ailleurs que sur la nage, le jeune lieutenant sortit alors de l’eau, plus courbé, tout à coup. Le vent froid qui venait de se lever le faisait grelotter, à présent. Il courut se réfugier de l’averse croissante sous un grand tilleul. Le regard vide et le pelage plaqué sur son corps finement découpé il continuait de fixer la rivière clapotante. Il sombra alors dans une sorte de transe, plus proche de la méditation que du sommeil.

Soudain, une ombre blanche lui apparut au coin de l’œil, un peu plus loin sur la même rive… Le sang de Plume d’Argent se glaça dans ses veines Etait-ce Griffe des Neiges, le lieutenant du Clan de l’Ombre qui l’avait brutalisé alors qu’il n’était qu’un apprenti ? L’esprit embué du chasseur se souvint alors d’avoir entendu dire que bette bête sans scrupules avait été tuée lors de la bataille des Quatre Chênes. Il était donc formellement impossible que le félin qui se cachait quelque part plus bas soit Griffe des Neiges. Mais qui ? Soudain à l’affût, le guerrier s’approcha, de manière inaudible, jusqu’au mystérieux félin. Il ne s’agissait pas en effet de l’ancien lieutenant démoniaque du Clan de l’Ombre, mais d’un individu plus petit, moins en longueur, du moins. Plume d’Argent bondit alors du taillis, l’œil alerte. C’était bel et bien un étranger à son Clan, qui avait pénétré sur ses terres ! Ne paraissant pas plus troublé que cela, l’inconnu se tourna. Un nouvel effluve parvint à l’odorat aiguisé du lieutenant gris : Le Clan du Chaos. Dans les prunelles de la chose en face de lui, un feu meurtrier brillait en maître.

Salutations, étranger. Je suis Plume d’Argent, lieutenant du Clan de la Rivière. Tu n’es pas sur ton territoire, ici, je vais te demander de partir, et vite…


Son ton s’était fait menaçant, à la fin. Lorsque le félin ouvrit la gueule pour lui répondre, le chasseur fut finalement heureux que l’humidité ait plaqué son pelage contre son corps, ainsi, le nouveau venu ne soupçonnerait pas la peur qui lui hérissait les échines…
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Dernière édition par Étoile d'Argent le 22/11/2009, 19:57, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty31/8/2009, 11:03

    » Under a cloudy sky.
        « There was a cat... who cries. »

      Il pleuvait. De grandes traînées grises s'amoncelaient dans le ciel et déversaient des trombes d'eau qui ruisselaient sur le corps de Gaïa. Clapotant dans des flaques boueuses, entre les feuilles des arbres, la pluie était omniprésente, et pourtant, elle ne parvenait pas à masquer son odeur...

      Il aimait cette odeur. Oh oui, il l'adorait, même. Ce parfum doux, âcre, voire amer, qui mutilait l'âme, laissait souffler une bise glaciale sur les cœurs, s'insinuait malicieusement dans la gueule et semblait tout aussi sournoisement se déposer sur la langue. Une odeur écœurante pour certains, divine pour lui. Ce relent savoureux qui l'enivrait à chaque fois que le sang éclaboussait sa frimousse candide. Un véritable met olfactif, dont il se délectait à la moindre occasion. Il dénigrait le solitaire Esprit Rebelle et son addiction, et pourtant lui aussi avait comme ce besoin permanent de cet élément primordial, sa drogue. L'odeur de la Mort. La Mort, qui enlaçait tendrement de ses bras squelettiques et embrassait pour la première mais aussi la dernière fois, dans l'étreinte réconfortante de la défaite. La Mort, apogée de la longue et désespérante pièce de théâtre qu'est la vie, qui sublimait tous les affres et les malheurs subis. La Mort, qui le fascinait. On ne pouvait lui échapper, et certains se jetaient même dans ses bras, préférant le repos éternel aux douleurs de l'existence. Le Clan des Étoiles, les Ancêtres du Chaos, ce n'étaient que des âmes errant dans les cieux, parce que la Faucheuse n'avait pas voulu d'eux, ou alors parce qu'ils n'avaient pas su saisir leur chance au moment propice ; réduits à des moins que rien, ils devaient se contenter de guider les mortels afin que les erreurs qu'ils avaient eux-même commises ne soient pas répétées et faire en sorte que la génération suivante réussisse là où la leur avait échoué. Pourquoi rejeter la Dame Noire ? Elle ne souhaitait que le repos de tous. Mais Brume Illusoire n'était toutefois pas prêt à mourir. Il avait encore trop de choses à faire, trop de mystères à résoudre. Ce n'était pas pour autant qu'il dénigrait la Mort, au contraire. Il attendait avec impatience le moment où, usé et accompli, il accueillerait à bras ouverts la Faucheuse venue le chercher comme une amie de toujours. Et assis sur le grand rocher des Quatre Chênes, il respirait à fond son odeur.

      L'éphèbe ferma les yeux, et prit une grande inspiration. Même après tant de temps écoulé, son parfum était encore présent dans l'air, et à ses délicates oreilles résonnait toujours l'écho lointain d'une furieuse bataille. Bien à l'abri derrière ses paupières rabattues une foule d'images sanglantes de félins mutilés au visage émacié défilaient devant ses yeux, dont il jouissait avec presque autant d'intensité qu'un orgasme. Il adorait toute cette excitation meurtrière, cette sensation d'adrénaline qui montait en lui. La bataille de l'Assemblée avait un été un véritable massacre, un carnage. Il revoyait encore tous les regards hantés par l'incrédulité ou un immense déchirement des nombreux guerriers qui avaient perdu des êtres chers dans la folie des combats. Cette jeune chatte blanche, détruite par la vision du cadavre d'un matou gris, achevé par Source d'Émeraude en personne, qui n'était autre que le lieutenant du Clan du Vent Tornade de Glace. La petite femelle bicolore, éplorée sur le corps inerte d'une rouquine, dont le flamboiement du pelage se confondait dans le macabre du sang à l'odeur métallique. Étoile de Brume, chef du Clan du Vent à la belle robe neigeuse constellée de taches de sang, horrifiée à la vue de la seconde victime de la meneuse du Clan du chaos, son homologue de la Rivière Étoile du Brigand. Étoile de Fantaisie également, qui avait hurlé sa douleur lorsque l'ange avait tué de sang-froid Étoile de Cristal, chef du Clan de l'Ombre, avant qu'il ne mette fin à ses jours à elle. Dans son esprit insondable, il se délecta encore de l'épouvantable spectacle de Poussière d'Etoile égorgée, le conduisant ainsi à sa propre nomination de lieutenant ; mais aussi de la scène pathétique qu'offrait cette chatte rousse et blanche aux beaux yeux verts, qui avait voulu se battre même étourdie du coup d'un autre - celle-là, il l'avait achevée par pitié. Lorsque ses paupières se soulevèrent, il souriait encore au souvenir de ces deux émeraudes pétillantes qui s'assombrissaient lentement, jusqu'à être réduites à deux perles ternes au fond desquelles ne brillait plus aucune flamme d'espoir... et de vie.

      Même les Quatre Chênes ne semblaient pas avoir oublié cet affrontement. L'écorce des arbres sacrés était lacérée, des touffes de poils traînaient encore ci et là, l'herbe éclaboussée de sang en était encore imprégnée et s'assombrissait par endroits en dégageant une odeur suave et métallique... Même le ciel semblait pleurer les valeureux guerriers morts au combat. Et puis, bien sûr, il y avait son parfum, entêtant, omniprésent, dont il se délectait sans retenue. Il sentait encore la vie quitter lentement l'ennemi alors qu'il resserrait sa prise sur sa gorge, libérant un flot bouillonnant qui s'engouffrait dans sa gueule, l'exaltant, ou formait une flaque macabre dans laquelle baignait la victime. Ses moustaches frémirent, et il passa prestement sa langue sur ses babines, les yeux rendus brillants par une sorte d'excitation fiévreuse. Décidément, l'Assemblée avait été un véritable succès.

      Ce fut l'appel de la faim qui le tira de sa rêverie, avec un borborygme peu élégant. La Nature n'avait pas faigner leur excepter ce besoin élémentaire, à eux, les sanguinaires de la forêt qui semaient terreur et panique au sein des quatre Clans originels. Quittant d'un bond élégant son promontoire, il coula son petit corps gracieux jusqu'à un ruisseau qui accueillait les gouttes clapotantes non loin de là. Il se pencha au-dessus de son lit et y lapa quelques petites gorgées, mais cela ne fit qu'aiguiser son désir de nourriture. Alors, l'éphèbe décida sur un coup de tête - et son appétit y était très certainement pour quelque chose - de tenter une nouvelle expérience : chasser le poisson. Ici, le ruisseau était trop peu profond, aussi poursuivit-il son chemin tout le long du cours d'eau, jusqu'à ce qu'il s débouche à la Rivière. Légèrement perplexe, il se posta sur la berge et, la queue fouettant à intervalles réguliers l'air de droite à gauche et de gauche à droite, il plongea sa patte dans les vagues crêtées d'écume neigeuse. C'était froid. Il la retira sans se presser et, instinctivement, trouva la pose adéquate pour pêcher. Là, il attendit, et tendit la patte dans l'eau à une vitesse fulgurante lorsqu'il crut voir passer un éclair argenté. Il avait cueilli son premier poisson, qu'il laissa lentement agoniser sur la rive, ouvrant et fermant successivement sa petite bouche ronde en quête du précieux oxygène inexistant. Il regarda l'animal mourir sans broncher, perdu dans ses pensées. Ce n'était sûrement qu'un coup de chance, la chance du débutant qui sait, mais au moins, il avait son repas. La bruine qui plaquait sa fourrure immaculée sur son corps maigre n'arrivait d'ailleurs qu'à le rendre plus misérable encore, s'il ne perdait rien de sa classe légendaire. Poussé par les grognements de son estomac, il arracha une bouchée au corps écailleux et poisseux, pour la recracher aussitôt dans le lit de la Rivière. C'était dégoûtant. Sans saveur. Le museau plissé, il délaissa le reste du poisson, quitte à gaspiller une denrée précieuse ; après tout, ce n'était pas à lui. Frissonnant encore de cette horrible sensation qu'est le frottement de ce corps lisse et gluant contre la langue et de son goût atroce, il allait rebrousser chemin lorsqu'une boule de poils grise surgit de nulle part, lui barrant le chemin. Retrouvant son masque impénétrable, il oublia aussitôt sa faim, pour supporter sans broncher le regard furibond de cet être inférieur qui osait s'interposer entre lui et sa destination.

        « Salutations, étranger. Je suis Plume d’Argent, lieutenant du Clan de la Rivière. Tu n’es pas sur ton territoire, ici, je vais te demander de partir, et vite... » termina-t-il en grondant, mais la pluie ne donnait aucun effet à son pelage qui aurait dû gonfler pour mieux l'impressionner et ainsi le menacer.

      Oh, lieutenant ? Il le détailla. Ce misérable matou à peine sorti de l'apprentissage était lieutenant ? Le Clan de la Rivière était-il si amoindri au point de coller un jeune freluquet aux basques du chef en guise de second ? Le guerrier blanc se retint bien de pouffer dans ses longues et fines moustaches translucides de son petit rire cristallin. La pluie réduisait les pelages à de simples couleurs et brouillait les odeurs mais, en humant l'air de sa gueule entrouverte, il pouvait vaguement sentir les relents fétides de sa peur, mêlée à de la colère. Aha. Il toisa de haut ce félin qui n'était que vermine à ses yeux d'un ambre si pur qu'ils semblaient d'or liquide.

        « Ah vraiment ? » susurra-t-il de sa belle voix chantante sans quitter le parasite de son regard perçant, haussant un sourcil mi-sérieux mi-amusé. Cette stupide créature était si... drôle.


Dernière édition par Brume Illusoire le 21/2/2010, 15:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty1/9/2009, 16:44

« Ah vraiment ? »



Le ton mielleux de son interlocuteur fit se hérisser Plume d’Argent. Jamais il n’avait entendu pareil fiel, pareille moquerie, pareille désinvolture que dans la voix cristalline du félin immaculé qui se tenait devant lui. Pas de doute, il ne partirait pas tant qu’il ne l’aurait pas décidé. Il se pensait chez lui, et bien, soit. Détendant ses muscles prêts à craquer, le chasseur au pelage d’argent s’assit, calme, face au menu chat de neige.


A qui ais-je l’honneur ? Du Clan du Chaos, je présume… Navré de te paraître si asocial, mais je crois que tu n’as vraiment rien à faire ici. Si les autres Clans te laisse, toi et ta tribu, chasser impunément sur leurs terres, grand bien leur fasse, mais sache que le Clan de la Rivière ne se résoudra pas aux mêmes extrémités…



Que pouvait-il dire de plus ? Ou de mieux ? Après tout, il ne s’agissait que d’un simple incident de frontière… le lieutenant cendré n’avait aucune envie d’en venir aux griffes. Non pas qu’il doutât de la combativité de son adversaire, mais il ne faisait pas partie de tous ses belligérants qui avait trop souvent menacés l’avenir de la forêt et la survie de son peuple félin. Le chasseur gris se rendait bien compte du pseudo « comique » que la situation pouvait avoir aux yeux des étrangers. Il se mit alors à la place des ces ancêtres, qui les détaillaient du haut de a Toison Argentée qui n’allait d’ailleurs plus tarder à poindre. Un grand matou à la fourrure d’argent en train de congédier gentiment un guerrier de la tribu maudite du Chaos… Ce dernier semblait se délecter à proprement parler du spectacle ridicule de ce pauvre jeunot qui lui faisait tout bonnement la morale, comme une mère à son chaton trop turbulent. Turbulent ? Ce n’était vraiment pas la définition du comportement de la créature mirifique qui écoutait, un demi sourire mesquin au bord des lèvres. Mais d’ailleurs pourquoi ? Pourquoi tous les nouveaux êtres qu’il rencontrait semblaient près du fou rire à chaque fois qu’il leur adressait la parole ? Le guerrier se trouva obliger de penser que son apparence devait être risible, sinon son élocution… En tout cas, lui n’avait vraiment pas envie de rire, non. Il était en face d’un être sanguinaire, bien qu’il ne le connaisse pas, une créature dépourvue de pitié puisqu’elle appartenait à la tribu maudite du Chaos, d’un félin machiavélique puisqu’il avait sans nul doute participé à la sanglante bataille des Quatre Chênes, et par la même occasion versé du sang…



Le combattant gris se mit alors à détailler l’inconnu. Assez svelte, tout sauf imposant, relativement court sur pattes… Et ses yeux… si pénétrant et si intimidant à la fois ! Son regard, bien plus que ses prunelles en elles-mêmes, donnaient envie de se cacher sous terre. Plume d’Argent s’imagina alors les victimes du félin au pelage immaculé… ses deux grands puits dorés devaient avoir été la dernière vision de certains chats de Clans. Ce chat semblait être l’incarnation du contraste : un physique de chasseur, et non pas d’assassin…

Mais ce dont Plume d’Argent ne se doutait pas, c’est qu’il était également assoiffé de pouvoir.
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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty1/9/2009, 17:41

    » Définition de la vie.
        « Comédie absurde qui se joue devant la multitude et se termine dans la solitude. »

      Malgré la bruine qui plaquait son pelage argenté contre son corps mince et longiligne, l'éphèbe put bien voir que son échine se hérissait. Amusé, il remua vaguement ses longues et fines moustaches translucides. Il était comique de voir ce freluquet s'enflammer pour deux petits mots de rien du tout. Le Clan de la Rivière, déjà affaibli et pourri de l'intérieur, était tombé bien bas à ce qu'il voyait. Trop de journées à barboter avec les canards et à s'engraisser avait dû les transformer en idiots abrutis au saumon avec un caractère de cochon à faire rougir les boules de poils miteuses du Clan du Vent. Pourtant, semblant obéir à une injonction mystérieuse mais ô combien raisonnable pour sa pomme, le prétendu lieutenant du Clan de la Rivière s'obligea à détendre ses muscles prêts à craquer et, à peu près calmé, s'assit face à Brume Illusoire, même s'il voyait bien qu'il restait crispé.

        « A qui ai-je l’honneur ? Du Clan du Chaos, je présume... Navré de te paraître si asocial, mais je crois que tu n’as vraiment rien à faire ici. Si les autres Clans te laisse, toi et ta tribu, chasser impunément sur leurs terres, grand bien leur fasse, mais sache que le Clan de la Rivière ne se résoudra pas aux mêmes extrémités... »

      Sur ces mots, le matou cendré sembla se perdre dans ses pensées, suivi de près par la contemplation de cet être gracile et efféminé, presque irréel. Un ange. Déchu. Ou alors, qui se masquait à la perfection sous les apparences. Un ange tueur. Il avait arrêté depuis belle lurette de compter ses victimes, laissant cette tâche ingrate et futile aux stupides brutes assoiffées de sang. La Mort était comme un art, pour lui, qu'il se devait de mener à la perfection. Et quelle sensation que celle du travail bien fait lorsque l'on sentait entre ses crocs le corps inerte encore chaud de la vie qui le quittait ! Une satisfaction dont il ne pouvait se passer.

      Enfin. Pour ne pas paraître aussi bête que cette vermine qui osait lui adresser la parole, il fallait bien qu'il réponde. Et pourtant, lorsque l'on est si supérieur, on peut bien s'accorder le luxe d'un temps d'attente. Prenant donc ses aises, il passa délicatement sa langue rosée sur sa patte dans le sens de ses poils immaculés avant de la passer derrière son oreille en ronronnant vaguement. Cela faisait-il vraiment tomber la pluie, d'après les commérages des Bipèdes et de leurs lourdauds de compagnons domestiques ? Cela ne changerait pas grand-chose étant donné que c'était déjà le cas... Sur ces pensées, il se perdit dans la contemplation d'un saule pleureur aux longues branches tombantes au bout desquelles perlaient de fragiles gouttes de pluie, telle la rosée matinale. Si ce n'était que la pesanteur n'était pas la même qu'aux aurores. Une larme, donc. Le guerrier blanc fixa donc intensément l'une d'entre elles. Une forme parfaite. Ah, la perfection... Cela ne manqua pas de lui rappeler cette jeune chatte au si beau pelage. Comment s'appelait-elle déjà ? Tornade, hum... Ah oui. Tempête d'Orage. Une guerrière du Clan de la Rivière, par ailleurs. Enfin.

      Il reporta son attention sur Plume d'Argent, qui n'avait toujours pas bronché. Esquissant un beau sourire angélique sur ses fines babines, il remit sa patte en place et s'étira voluptueusement en bâillant avec nonchalance.

        « Oh, tous ces préjugés sur le Clan du Chaos... Avoue, jeune chat, que je n'ai rien à voir avec ces boules de poils sanguinaires aux longs crocs au sujet desquels toi et les tiens racontez des horreurs aux petits. Après, on ne peut que blâmer tes parents... La stupidité est héréditaire. »

      L'appellation "jeune chat" n'était bien entendu utilisée que dans un usage péjoratif, qu'il lui fit savoir avec amusement d'un regard entendu. Même si sa tirade en elle-même était déjà assez négative à l'égard du lieutenant. Lieutenant... Lui aussi l'était. Et s'il voulait répondre à sa question, il allait devoir le lui dire. Si ce freluquet était lieutenant, alors à son échelle, Brume Illusoire était un dieu, voire plus. La Conscience universelle.

        « Appelle-moi Brume Illusoire. »


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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty5/9/2009, 22:30

Comme sous le coup d’une injonction divine, les gros nuages noirs qui s’étaient amoncelés jusqu’alors se percèrent et la pluie se mit à redoubler d’intensité et à battre plus fort le pelage des deux matous qui se faisait face. Tout autour d’eux dégoulinait, les feuilles des branches perlaient abondamment, les oiseaux s’étaient tût et les trombes d’eau qui tombaient du ciel avec l’intensité des Chutes déformaient l’ondine claire de la rivière… Des éclairs argentés ridaient sa surface, preuve d’une vie aquatique et promesse de gibier frais. Le correspondant mutique de Plume d’Argent ne daignait pas lui adresser la parole. Le lieutenant gris voyait dans son regard froid un profond mépris, ou même, si c’était possible, pire que cela… A glacer le sang. Le chasseur se redressa soudain lorsque il vit sur le visage de son interlocuteur les prémices d’un discours. Lorsque ces vibrisses translucides se soulevèrent gracieusement, sa voix cristalline - puisque aucun autre mot ne pouvait définir ce son- emplit de sa sonorité cassante l’air chargé d’humidité qui flouait les silhouettes:

« Oh, tous ces préjugés sur le Clan du Chaos… Avoue, jeune chat, que je n’ai rien à voir avec ces boules de poils sanguinaires aux longs crocs au sujet desquels toi et les tiens racontez des horreurs aux petits. Après, on ne peut que blâmer tes parents… La stupidité est héréditaire. »

A cet instant, et seulement à cet instant là, Plume d’Argent sût à qui il avait à faire. Un être dépourvu de cœur, damné par toutes les morts qu’il avait causées. Le diable en personne était là, sous cette pluie battante.

« Appelle moi Brume Illusoire. »

Et le divin avait un nom. Qui collait à la perfection avec l’image qu’il laissait paraître… Un linceul semblait l’envelopper de la tête au bout de la queue, rendant difficile l’opportunité de le détailler. Une illusion, ni plus, ni moins. Plume d’Argent savait maintenant que son adversaire était extrêmement sûr de lui, sinon, comment proférer de telles insultes sans même tendre un seul muscle ? A croire que Brume Illusoire n’avait même pas envisagé la possibilité que le guerrier du Clan de la Rivière l’attaque. Ses mots étaient on ne peut plus provocateurs, mais Plume d’Argent releva que l’éphèbe l’avait sous-estimé. Il comptait sans nul doute l’attirer dans ses rets infernaux pour le combattre, et le tuer. Mais le chasseur n’était pas dupe, sa ruse était bonne à appâter les chatons. Il n’était pas lieutenant pour rien.

Soudain, dans l’esprit embué du matou argenté germa une question. Combien ? Combien de félins avaient péri sous les griffes acérées de ce monstre ? Car c’était une certitude, Brume Illusoire avait bien versé du sang. Pour lui qui n’avait jamais tué, cela semblait totalement fascinant. Puis, d’instinct, les mots se formèrent :


Brume Illusoire, combien de chats as-tu tué ?




Pourri mais ça débloque quand même...


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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty10/9/2009, 20:44

    Le silence, lourd et pesant, tel un châle oppressant qui les enveloppa dans une sorte de bulle qui semblait rompre tout contact avec l'extérieur, s'installa entre les deux protagonistes de cette scène pluvieuse qui fait partie de la plus ample pièce longue et douloureuse qu'est la Vie. Le ciel sombre grondait, menaçant ; les gouttes, semblables à autant d'épieux de glace meurtriers, martelaient les feuilles avant de couler lascivement le long de leurs veinures, et clapotaient dans les flaques à la surface perpétuellement troublée qui s'étendaient sur le sol boueux. L'éphèbe était trempé ; sur son pelage éclatant de par son immaculé, la pluie perlait telle la rosée matinale, et pendait au bout de ses longues et fines moustaches translucides - et son camarade, minet rendu décharné par l'humidité de sa fourrure plaquée contre ses flancs, n'avait pas non plus fière allure. Et pourtant, il était indifférent au spectacle phénoménal d'une Nature qui se déchaîne. Un sourire angélique esquissé sur ses fines babines, il se contentait de fixer son homologue de la Rivière, droit dans les yeux. Il le sondait. Dans son petit univers intérieur, il n'existait que deux regards, l'un d'un ambré perçant au fond duquel on pouvait lire une pointe d'amusement, l'autre d'un vert épuré comme une jade cristalline qui captait tous les jeux de lumière, et n'exprimait qu'une haine féroce... et une farouche lueur de défi. Hum, courageux le freluquet.

      « Brume Illusoire, combien de chats as-tu tué ? »
    Son sourire disparut, et ses dernières traces furent effacées par une petite moue ennuyée, voire désapprobatrice. Il avait brisé le silence. Il ne jouait pas le jeu. Cela lui rappela ces jours ensoleillés où ces boules de graisse paresseuses claniques ne se doutaient pas encore de l'existence et de la menace du Clan du Chaos. Ledit Clan se construisait alors lentement, guidé par la charismatique et tout aussi cruelle Source d'Émeraude. Il n'était alors qu'un guerrier, et Poussière d'Étoile était malheureusement encore en vie. Donc. L'ombre blanche était là, immuable, la mine impavide, la queue délicatement enroulée autour de ses fines pattes. Narquois, il observait presque avec amusement les premiers chatons de la petite communauté formée pour la plupart des solitaires sanguinaires, de meurtriers bannis et de chats errants. C'était si... ironique. Là où les mots d'ordre étaient chaos et destruction voyait le jour la vie. Les deux petits jouaient - enfin, il est logique que des petits jouent - ensemble à... à quoi déjà ? Ah oui. Le Roi du Silence. Il fallait se taire. Et Plume d'Argent venait de perdre.

      « Pauvre petit... »
    Quel ignorant. Son regard si pur qu'il paraissait d'or en fusion le transperça. Enfin, il révélait ce qu'il était vraiment. Pas un tueur, non. Il était bien plus que cela.

      « Tu me crois vraiment comme toutes ces brutes sans cervelle ? Je ne suis pas un fou psychopathe de seconde zone qui s'amuse à trier ses victimes et à les compter tous les matins. Je suis bien plus que ça qu'un assassin. Si tu le savais, ton cher nombre... Moi-même l'ignore. Après tout, c'est une chose si futile... Mais si tu le souhaites, je peux te parler de ceux que j'ai tués durant l'Assemblée... Ça pourrait être intéressant. »
    Son regard inquisiteur se fit plus moqueur que jamais et ses pupilles s'en étrécirent. Il serait bien comique d'apprendre que l'un des proches de ce prétendu lieutenant du Clan de la Rivière avaient péri sous ses crocs ou ses griffes. Comment appelait-on cela, déjà ? Ah oui. Comique de situation. Instinctivement, il passa prestement sa langue sur ses babines, laissant entrevoir sa puissante mâchoire hérissée d'autant d'épieux d'ivoire, et passa à l'action, sans attendre de réponse de sa part. Chacune de ses paroles, il la prononçait avec un délice et une monstruosité innommables. Il revoyait parfaitement tous ces regards dans lesquels on pouvait une dernière fois apercevoir la flamme de vie qui quittait déjà les victimes.

      « Tout d'abord, il y eu ce grand chat noir... du Clan de l'Ombre, si je me souviens bien. Il avait de beaux yeux gris, si limpides que je pouvais y apercevoir mon reflet à la perfection lorsqu'il posait son regard empli de haine sur moi. Une morsure dans la gorge, et c'en était fini de lui. Ne t'inquiète pas, il n'a pas dû souffrir longtemps, j'ai du lui sectionner une artère vu tout le sang qui coulait... En tout cas, sa compagne était effondrée. Comprends que je ne pouvais pas la laisser comme ça, mourant doucement à petit feu, c'était trop... cruel. Alors je l'ai tuée, elle aussi. Puis, bien sûr, quelqu'un est venu à la rescousse, mais c'était trop tard bien entendu, je sais faire du bon travail, rapide et efficace. Il était l'exact contraire du grand noir, avec sa fourrure entièrement blanche et ses yeux marron ; pourtant, ils étaient du même Clan. Celui-là, il a voulu me contrarier, alors je l'ai mis hors d'état de nuire et l'ai lentement mis à mort, en veillant à bien le faire souffrir. Bon, je ne vais pas non plus te raconter tous mes exploits, ce serait trop long. En revanche, je me souviens parfaitement de cette jeune guerrière, à peine sortie de l'apprentissage... Blanche et rousse, qu'elle était, avec des yeux verts à faire voler les poissons. Elle venait de se faire mettre au tapis par un de mes collègues et était encore sonnée après s'être stupidement cognée contre cet arbre... Et pourtant, quel courage ! elle a tenu à me faire face. Elle n'avait aucune chance, la pauvre... J'ai été conciliant, sa mort n'aura pas été douloureuse... pas beaucoup. »
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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty12/9/2009, 16:56

Les yeux flavescents de Brume Illusoire le fixaient, comme deux puits d’ors où brillait une lueur assassine. L’odeur de la pluie masquait tous les fumets alentours, et la rivière s’était muée en une sorte d’étendue noirâtre et malsaine. La tempête allait durer encore un moment, mais les deux chats qui se faisaient face n’étaient pas résolus à interrompre leur face à face pour aller se trouver un abri. Seuls leurs deux regards luminescents
s’affrontaient sous cette pluie diluvienne, comme des cratères dotés de vie… Tout n’était alors que silence. Les
bruits de la nature, eux, étaient la seule source de mouvement, le temps semblait comme figé. Ce n’est qu’au moment où une légère accalmie s’amorça que l’être mirifique répondit, toute lueur de moquerie envolée, il semblait plutôt atterré…Il se mit alors à toiser de toute sa hauteur Plume d’Argent.

« Pauvre petit…»

Le guerrier gris s’attendait de toute façon à ce que Brume Illusoire lui témoigne du mépris à un moment ou à un autre. La créature marqua alors un temps d’arrêt puis gonfla son poitrail de l’air chargé d’humidité qui les entouraient. Sa voix sortit des ténèbres raisonna alors, et au son de ses paroles, les gouttes de pluie elles-mêmes semblaient adopter une teinte rouge.

«Tout d'abord, il y eu ce grand chat noir... du Clan de l'Ombre, si je me souviens bien. Il avait de beaux yeux gris, si limpides que je pouvais y apercevoir mon reflet à la perfection lorsqu'il posait son regard empli de haine sur moi. Une morsure dans la gorge, et c'en était fini de lui. Ne t'inquiète pas, il n'a pas dû souffrir longtemps, j'ai du lui sectionner une artère vu tout le sang qui coulait... En tout cas, sa compagne
était effondrée. Comprends que je ne pouvais pas la laisser comme ça, mourant doucement à petit feu, c'était trop... cruel. Alors je l'ai tuée, elle aussi. Puis, bien sûr, quelqu'un est venu à la rescousse, mais c'était trop tard bien entendu, je sais faire du bon travail, rapide et efficace. Il était l'exact contraire du grand noir, avec sa fourrure entièrement blanche et ses yeux marron ; pourtant, ils étaient du même Clan. Celui-là, il a voulu me
contrarier, alors je l'ai mis hors d'état de nuire et l'ai lentement mis à mort, en veillant à bien le faire souffrir. Bon, je ne vais pas non plus te raconter tous mes exploits, ce serait trop long.

Le chasseur gris comprit tout à coup que ce chat aux allures altières était bien plus qu’un assassin, il était né pour tuer. Ce n’était pas non plus un simple guerrier, Plume d’Argent en était sûr… Non, il tuait par nécessité, par pur plaisir. Il semblait tout bonnement se délecter de son récit sanguinaire. Il affirmait qu’il n’était pas une « brute sanguinaire » mais comment nommer ce comportement ? Il tuait pour le pouvoir.

Un vent glacé se leva, ébouriffant le pelage cendré du chasseur du Clan de la Rivière. La bise s’insinua au plus profond de lui, le glaçant de l’intérieur. Pour lui, cette discussion avait assez durée. Il allait devoir chasser Brume Illusoire…et vite sa compagnie lui devenait insupportable, à présent. Il allait ouvrir la bouche pour prier une seconde et dernière fois l’individu de partir, mais celui-ci fut le plus rapide. Son timbre figea encore davantage Plume d’Argent, promesse de mort.

En revanche, je me souviensparfaitement de cette jeune guerrière, à peine sortie de l'apprentissage...Blanche et rousse, qu'elle était, avec des yeux verts à faire voler les poissons. Elle venait de se faire mettre au tapis par un de mes collègues et était encore sonnée aprèss'être stupidement cognée contre cet arbre... Et pourtant, quel courage ! Elle a tenu à me faire face. Elle n'avait aucune chance, la pauvre... J'ai été
conciliant, sa mort n'aura pas été douloureuse... pas beaucoup.»

Sous le choc, Plume d’Argent recula, le lit de la rivière qui déformait ses traits lui formait désormais un miroir. Il avait l’impression que ses pattes se dérobaient sous lui. C’était impossible. Pas elle. Mais
qui ? Les paroles de Brume Illusoire lui donnait la migraine : « Cette jeune guerrière à peine sortie de l’apprentissage […] Blanche et rousse […] Avec des yeux verts à faire voler les poissons […] » Ce portrait
correspondait parfaitement à... Non, c’était irréel. Puis il se souvint. Jamais depuis l’Assemblée leur deux coeurs candide ne s’étaient frôlés. Tout devint flou, sa vision se brouilla, il recula encore de plusieurs pas et fixa la
rivière. Son cœur faillit manquer un battement lorsque les gouttes déchaînées de l’averse formèrent une silhouette. Les perles d’eau étaient vertes, rousses, et blanches. Puis un visage se forma à la surface de l’onde. Un visage qu’il ne reconnaissait que trop bien, celui de Lune des Sables. Il la vit alors sombrer au plus profond de l’étendue aquatique, une plaie rouge barrant son cou. Puis elle réapparut, silhouette irréelle sous l’averse. Muet, le chat gris pencha aussitôt sa frimousse déjà trempée dans sa direction, dans l’espoir de toucher
son amour. Seule la sensation d’eau sale lui emplit la gueule. Désemparé, il la regarda, sa vision troublée par d’innombrables larmes au bord de ses yeux. Puis sa voix retentit, sa voix à elle.

Venge moi.

Non, ne t’en vas pas ! Reviens ! Lune des Sables !

Mais elle n’en avait que faire. Elle disparut instantanément sous la masse noire que formait la rivière. Il se retourna alors vers Brume Illusoire, écumant de rage. Le doute n’était pas possible : elle était morte, et son assassin se trouvait devant ses yeux. Sans réfléchir il chargea, puis arriver à une distance raisonnable, il bondit sur l’être qu’il abhorrait le plus au monde, l’entraînant dans une roulade meurtrière.


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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty27/9/2009, 17:31

    A mesure que les paroles jaillissaient de ses babines aussi lascivement que l'ondée faisait ployer les branches et martelait les branches, une horreur grandissante s'affichait sur le minois de son pathétique interlocuteur. A la fin de sa diatribe, un sourire imperceptible étira ses lèvres rosées, soulevant légèrement ses longues et fines moustaches translucides déjà alourdies par les gouttes de pluie. Qu'il était rare de voir cet éphèbe au visage si froid et candide à la fois avoir tant d'occasions de sourire en une discussion ! Mais c'était que ce freluquet l'amusait grandement. Défendant à grand-peine les valeurs illusoires des siens, il était l'étalon, l'archétype-même du chat de Clan.

    Le vent hurlant redoubla de puissance, fouettant les flancs de Plume d'Argent, faisant virevolter avec grâce les filins de la fourrure d'un blanc mirifique presque argenté du sanguinaire. La bise malsaine qui soufflait mille calomnies à ses oreilles s'harmonisait avec les flots déchaînés d'une Rivière noire et boueuse qui menaçait de sortir de son lit. Ce tableau d'une Nature en colère était l'idylle-même du Clan du Chaos. L'Apocalypse. La Vérité. Le Lever du voile. Mourir pour mieux renaître. Or, il semblait que les félins comme cette boule de poils cendrée ne comprenaient pas ces valeurs et s'enfonçaient progressivement dans l'erreur de leur propre gré. Idiots. Il était du devoir de lui et des siens de réinstaurer le Chaos, de détruire cet Ordre maudit qui avait bien trop duré.

    Brume Illusoire reporta son attention sur son interlocuteur, le détaillant avec une gausse gravité qui ne faisait que renforcer son amusement. L'air troublé, voire choqué, il esquissait un mouvement de recul, les pattes flageolantes. Ainsi donc, la guerrière de pacotille, cette pauvre rouquine avait de l'importance à ses yeux ? Pourtant, elle était du Clan du Vent... Bien bien bien. En plus de se prétendre lieutenant, il bravait les interdits de son cher code du guerrier en entretenant une relation amicale, voire plus, avec une "ennemie". Mais après tout, Vent ou Rivière, ces abrutis se valaient tous. Ne valaient rien, donc.

    Le stupide minet au pelage ruisselant recula encore de plusieurs pas, et son regard brouillé et vide de toute raison se posa sur le torrent en furie, alimenté par une violente averse. Un miraculeux rayon de soleil filtra à travers la couche nuageuse, gâchant le paysage apocalyptique, dessinant un arc-en-ciel dans la bruine du cours d'eau. Sur cette vaine illusion, son regard de jade devenu fou se posa, et une inexplicable lueur d'espoir s'alluma au fin fond de ses prunelles, bien visible au regard exercé et analyste de l'éphèbe. Le numéro de Plume d'Argent se poursuivit, ses yeux s'embuant d'innombrables larmes, comme autant de perles salées qu'il refoula, refusant de les laisser se mêler aux gouttes de l'ondée, de laisser éclater sa peine et sa rage. Puis enfin, il fit volte-face, fusillant du regard son interlocuteur demeuré muet. Et explosa. Écumant et pleurant, il cavala dans sa direction avant de faire un bond impressionnant qui le conduit à entraîner le lieutenant du Clan du Chaos dans une roulade meurtrière.

    Il aurait dû s'y attendre, et pourtant les muscles bandés du jeune guerrier l'emportèrent ; son monde bascula tandis qu'il roulait dans la boue, en maculant son beau pelage couleur de neige. Il profita de cette "accalmie" pour sortir ses griffes, instruments de mort, prêt au combat qui se profilait. Plissant méchamment des yeux, il se laissa choir sur le dos sans plus se soucier de la fourrure mirifique qu'il entretenait avec soin chaque matin et, bien loin de vouloir échapper à l'emprise de son adversaire, lui saisit solidement la nuque à deux pattes. Son sourire s'était mué en un rictus effrayant de rage et de beauté, tandis que ses griffes s'enfonçaient dans le cou tendre de l'autre lieutenant. Puis, une fois bien assuré de ne pas le lâcher, il dévoila une rangée de crocs luisants et effilés qu'il planta sauvagement dans la chair de celui qu'il avait désigné comme sa proie.

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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty10/10/2009, 20:41

La rage avait pris possession de l’ensemble du corps du guerrier gris. Les deux chats roulèrent au sol, ne formant plus qu’une masse informe qui se déchirait sans pitié. Plume d’Argent était complètement aveugle. Il n’utilisait aucune technique de combat. Il n’avait qu’un but : étriper cette créature
sanguinaire qui l’avait réduit à néant. Le lieutenant cendré ne se protégeait même pas des coups terribles de son adversaire. Lorsque celui-ci lui saisit fermement la nuque, toutes griffes dehors,
le combattant ne remarqua pas immédiatement la douleur qui l’irradiait. Il se contenta de pousser un feulement pathétique lorsqu’il sentit les longs crocs tranchants de Brume Illusoire l’entailler profondément à la base du cou. Le monde vacilla alors autour de lui, les odeurs disparurent, puis les éléments déchaînés autour de lui pâlirent, comme si l’aurore avait subitement décidé de se lever. Les gouttes multipliées qui le frappaient en plein visage semblaient vouloir hâter son départ pour le Clan des Etoiles. D’une ruade spectaculaire, il éjecta d’un geste désespéré son assaillant qu’il ne vit plus. Il ne verrait plus jamais rien, de toute façon, il était mort.

L’obscurité était totale et tout n’était que silence. Même le vent s’était tu. Aucun fumet de gibier, pas une seule trace de sa présence. Sous les yeux ébahis de Plume d’Argent s’étendait la rivière. Le guerrier gris n’aurait su dire s’il était à terre ou au ciel tant l’onde était lisse. L’étendue aqueuse faisait se miroiter dans sa face neutre des cieux piquetés d’étoiles. Son odorat pourtant si fin ne captait rien. Toutes les odeurs étaient brouillées. C’était un monde parallèle. La Toison Argentée semblait être à portée de pattes.

Suis-je mort ?

La question s’imposait d’elle-même. Comme pour acquiescer, les astres candides se mirent à bouger.
L’erreur n’était pas permise, les étoiles bougeaient bel et bien. Soudainement, toutes devinrent incandescentes et fusèrent dans la direction du défunt lieutenant du Clan de la Rivière. Il ne chercha pas à se réfugier, non. Cette pluie de comètes lui insufflait la vie, l’espoir, même. Il savait que quelque chose de surnaturel était en train de se passer, mais tout était trop mystique pour qu’il puisse clarifier la situation. Il réalisa soudain que les puits de lumière lancés à pleine vitesse touchant le sol se transformaient en chat. De nombreux félins étaient là, tous étaient enveloppés d’une aura fantomatique et semblaient appartenir plus à l’ordre de l’irréel qu’à celui du charnel. Le cœur de Plume d’Argent se mit à battre lorsqu’il reconnut la fourrure gris-bleu de Croc de Saphir, son mentor disparut, l’imposante stature de Cœur Démesuré, l’ancien lieutenant du Clan qui avait succombé à ses blessures suite à la bataille des Quatre Chênes. Un félin quasiment translucide aux prunelles dorées qui ressemblait fortement à l’ancien lieutenant du Clan du Vent, Tornade de Glace... le jeune guerrier ne comptait plus les visages qui lui étaient familiers, désormais. Mais depuis le début, il savait tout. Ceux-là étaient morts. C’était le Clan des Étoiles en personne. Une dernière étoile vint frôler l’herbe rase et Lune des Sables apparut. Le chasseur cendré bondit à sa rencontre, mais lorsqu’il essaya de la toucher du
out de son museau, il ne caressa que de l’air...

Lune des Sables, je t’avais promis que je te rejoindrais où que tu sois, j’ai tenu ma parole,
nous voilà réunis pour toujours, maintenant et...

Tu n’es pas mort, Plume d’Argent. Le Clan des Étoiles t’accueille, mais ce n’est que temporaire.

Mais, que vais-je faire sans toi ?

Ses deux prunelles le transpercèrent alors, telles des émeraudes dans lesquelles brillait une détresse sans nom.

Vie.

xXx

L’ombre avait repris ses droitslorsquePlume d’Argent rouvrit les yeux. Autour de lui, la pluie avait cessé et le doux froufroutement de la rivière lui confirmait qu’il était revenu à la vie. Malgré les blessures qui meurtrissaient son corps, il bondit, conscient qu’il devrait peut-être faire face à une éventuelle attaque. Mais aucune menace ne planait à ses côtés. Brume Illusoire l’avait laissé là, seul, démuni, abandonnant son corps aux charognards. Pire encore, l’éphèbe avait dû sciemment le laisser en vie pour qu’il souffre de l’absence de sa deuxième moitié. Même si plus aucun péril ne le guettait, il poussa un feulement qui retentit dans toute la clairière. Il tuerait cette chair à corbeau qui l’avait réduit à néant. Pourtant, sous le doux halo de la lune, rien ne laissait présager que le monde avait changé pour lui. Le lieutenant du Clan de la Rivière su alors que jamais il ne pourrait vivre tant que ce cruel assassin régnait dans la forêt. Dans la terrible haine qui le dévorait, il comprit même qu’il était prêt à sacrifier jusqu’à sa tribu pour parvenir ses fins. Quant à sa propre vie, il s’en moquait, elle n’avait plus aucun sens de toute manière. Il n’était plus rien, qu’une vie brisée.


Fini?



Dernière édition par Étoile d'Argent le 22/11/2009, 20:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Broken life (pv Illu')   Broken life (pv Illu') Empty10/10/2009, 21:24

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