» A tear

Sujet: » A tear 26/10/2009, 13:47

» Faire semblant ne dure qu'un temps «
Pv with Nuage de Plume

Penchée sur la jolie chatte tigrée, je sentais mon regard s'adoucir. Je ne pouvais pas me voir mais je savais que le cristal de mes yeux était en train de se liquéfier à la vue de cette jeune apprentie. Avez-vous déjà ressenti en même temps deux sentiments contraires ? C'était ce que je ressentais en ce moment même. Deux sentiments contraires. La joie et la tristesse. Heureuse d'avoir cette apprentie, heureuse de pouvoir la contempler tandis qu'elle était encore en paix. Heureuse de savoir qu'elle n'était pas encore réveillée. Je ne voulais plus voir ses prunelles actuelles. Je voulais me rappeler, toujours, de la vivacité, de la joie qui brillait tous les jours avant dans le marron de son regard. Elle semblait toujours prête à rire, à se réjouir d'une nouvelle chose avant cet épîsode tragique. Elle était la gaieté de mon Clan, celle qui enfreignait toutes les lois mais qui toujours savait se faire pardonner d'un air larmoyant. Je ne voulais pas oublier le rire qui l'entourait ce jour-là, avant...

- Nuage de Plume, qu'est-ce que t'attends ?

- Même plus capable de m'attraper Nuage de Renard. Tu me déçois, après tout, n'est-ce pas toi, la plus teigneuse et grande apprentie de la forêt ? La petite et chétive Nuage de Plume te dépasserait-elle soudain ?

Sortant de mes souvenirs, je glissais mon regard jusqu'à ses prunelles fermées. Reverrait-on un jour cette gaieté insouciante au fond de ses yeux ? Réentendrait-on ce rire insouciant qui nous avait toujours soulagé dans nos problèmes ? Ressentirait-on cette joie qui l'entourait il y a quelques jours, il y a une éternité ? Sa compagne d'aventure, Nuage de Renard était morte lors de cette Assemblée sanglante et avec sa disparition, l'insouciance et l'innocence de mon apprentie s'étaient envolées. J'aurais donné mon coeur, mon âme, ma vie pour faire revivre cette joie au sein du regard de Plumy. Mais je savais, au plus profond de moi que certaines blessures restaient là, toujours. Pourtant, cela m'aurait soulagé de voir à nouveau cette lueur au fond de ses yeux. Rien qu'une fois, une seule et unique fois, que l'on me prouve que rien n'était figé, qu'il y avait toujours de l'espoir. Oui, j'étais heureuse de voir Nuage de Plume, mon apprentie, et triste de comprendre que toujours elle souffrirait. De l'absence de son amie de coeur. De tous ses morts. De la souffrance qu'elle avait entrevu à l'Assemblée. Un épisode du passé que j'aurais voulu effacer de la mémoire de tout le monde. Et surtout de la mienne... J'aurais donné tout ce que j'avais, tout ce que j'étais pour tout effacer, pour recommencer un nouveau départ. Pour faire revivre mon âme soeur. Refusant de retomber une énième fois dans ce gouffre insondable, je secouais mes oreilles immaculées et réveillait Nuage de Plume de la truffe.

Retrouve-moi à côté du Promontoire Nuage de Plume.

Laissant la féline émerger seule de ses rêves ou de ses cauchemars, je me dirigeais de mon pas le plus entrainant vers le tas de gibier. Arrivée devant les proies, le bleu de mes yeux devint troublé. Si peu de proies. Si peu de proies alors que l'on n'était même pas au début de l'hiver, tout juste à la saison des feuilles mortes. L'Assemblée nous avait laissé démunis. Presque tous les chats de mon Clan étaient blessés et la menace pesante du Clan du Chaos m'avait obligée à augmenter le nombre de patrouilles. Certains chats boitaient encore, ou souffraient de leurs blessures mais aucun ne se plaignait. Je me sentais tellement fière de mon Clan. Tous sans exception s'étaient remis à chasser, à patrouiller. Certains dans l'espoir de venger leurs compagnons. D'autres dans le désespoir et l'absence de leurs amis. Sans prendre de proie, je me dirigeais vers le Promontoire d'un pas lent. Personne n'était là, je pouvais enfin admettre ma faiblesse, ma fatigue...

Un bruit me fit me redresser. Je me retournai et eut un demi-sourire en voyant le museau de Petit Requiem dépasser de la pouponnière. Mon chéri. J'agitais tendrement la queue vers lui. M'avait-il vu ? Avec un pincement de coeur, je vis la patte de la reine qui s'occupait de lui le repousser avec tendresse dans la chaleur de la tanière. Comme j'aurais aimé être à sa place, de cette reine, pouvoir chérir et entourer d'amour mon petit. Mais j'avais un rang à tenir, une place qu'il me convenait de garder. Et une autre que moi s'occupait de ma portée. Tandis que j'organisais patrouille après patrouille, Museau Enneigé chérissait mes petits. Pendant que je chassais, la reine les nourrissait. Alors que je vérifiais le bon ordre du Clan, Neige accaprait leur attention, se les appropriait. J'aurais voulu en crier de rage. J'aurais voulu montrer à mes enfants que c'était eux ma première préoccupation. Qu'ils étaient ma vie maintenant. Petite Opale, Petit Requiem, Petit Phoenix, vous êtes tout ce qui me retient dans ce monde, le savez-vous au moins ? Une larme, silencieuse coula sur mon pelage alors que j'attendais en vain le retour de ce museau chéri qui ne reviendrait pas.

Je vous aime mes chéris, je vous aime...

Mon murmure se perdit dans le vent, dans le vide, dans le silence. Mon regard se dirigea avec mélancolie vers le soleil qui se levait. Le spectacle magnifique des gammes de rouge-orangé ne me touchait pas. Pourtant, quel paysage ! Un arc de cercle très fin se montrant à l'horizon signalait le début d'une nouvelle journée, l'arrivée du soleil dans toute sa splendeur. La luen s'inclinait devant le soleil, attendant patiemment dans la lumière son tour, la nuit. Quelques nuages, isolés ne pouvaient résister à la force du soleil et effaçaient quelques instants leur blancheur immaculée pour laisser place à des tons carmins. Le ciel abordaient des teintes plus claires, un peu orangées, voire rosâtres à certains endroits.

Un léger bruit me sortit de ma contemplation et je regardais arriver Nuage de Plume. Etait-elle heureuse de commencer son entrainement avec moi ? Je l'espérais. En fait, je voulais être aussi bonne avec elle que l'avait été mon mentor avec moi. Et je voulais surtout qu'elle vécut plus longtemps que mon ancien apprenti, Coeur Enflammé. Lui aussi s'était éteint lors de l'Assemblée. Tant de morts...

Invité

H A R S H R E A L I T Y
H A R S H L I F E...

Le vent soufflait dans mon pelage, tel une promesse de lendemain, je fermai les yeux avec délectation, un ronronnement doux fit vibrer mes cordes vocales alors que je jouissais de la caresse du soleil souriant dans ma fourrure tigrée. Je marchai, la légèreté et la souplesse de mon pas faisaient que j’effleurais à peine le sol, ballerine au sommet de son art, plénitude crevant les yeux. Je marchai, les yeux fermés, et pourtant je voyais devant moi, je voyais des plaines d’herbe tendre balayées par des bourrasques du vent le plus pur, et devant moi, le ciel, le soleil, la Vie. Soudain, je bifurquai, tournant brusquement sur la gauche, là où deux yeux de ciel m’observaient.

J’entrouvris doucement les yeux, apercevant dans l’éclat du soleil levant des poils blancs comme la neige la plus belle. Je refermai les yeux, parfaitement réveillée. Un soupir de soulagement, de découragement de joie, et de tant d’autres choses souleva ma poitrine. Soulagement, c’était mon premier rêve lumineux depuis l’Assemblée : un semblant d’espoir éclairerait-il ma courte vie ? Découragement, pourquoi m’étais-je réveillée ? Joie, je ne voyais qu’une seule raison de ce réveil pas Étoile de Glace : mon entraînement avec le mentor de mes rêves allait enfin commencer.

Mon regard s’illumina. L’espace d’un instant, on eût cru discerner l’éclat de mon ancien regard, fantôme du passé que l’on croyait à jamais disparu.

Je me levai et m’étirai prestement mettant de l’ordre dans ma fourrure grise et blanche. D’un pas qui se voulait léger, je sortis de ma tanière comme une fleur, essayant de faire revivre l’image que je donnais, il y a quelques jours, en sortant de la Pouponnière.

J’eus le temps de discerner un museau qui pointait de mon ancien refuge, lestement ramené dans la chaleur du massif de ronces par une patte maternelle. Maternelle... Mon regard glissa sur mon Chef et mentor. C’étaient ses yeux à elle qui m’évoquaient le plus le regard d’une mère. D’une mère brisée, désespérée, certes, mais d’une mère quand même. Ses yeux brillèrent un instant d’une lueur haineuse tandis que ses prunelles d’un bleu à couper le souffle s’attardaient sur l’orifice où avait disparu son fils, sa vie.

J’eus mal pour elle, elle qui, pour son Clan, assumait ses responsabilités de Chef et laissait, non sans une douleur monstre ses trois chatons aux pattes d’une autre. Juste pour elle, pour tenter de faire naître un sourire sur ce visage ravagé, je tentai une parole amicale, rendant hommage à sa force d’affronter tous ces ennuis :

Trouvant ces mots un peu trop sérieux et plus adaptés à un ancien gâteux qu’à une jeune apprentie comme moi, je continuai avec plus de légèreté :

Jetant un regard en oblique au dit tas de gibier décidemment peu rempli, je poursuivi en souriant :

Concluant ma tirade d’un petit ricanement amusé, je baissai la tête et lissai les poils rebelles de mon poitrail à grands coups de langue.

Ce faisant, je me rendis compte que j’avais réussi à sortir un sourire et un rire sans forcer, comme avant. Avant... Secouant mentalement la tête, je refusai les images de ma joie d’Avant, bannissant les âpres profondeurs des larmes et du désespoir. Non, je n’oubliais rien, bien sûr, j’acceptais encore moins ces morts et ces rebellions. Mais je dénis à quiconque, même à d’aussi horribles actes, le droit de changer quoi que ce soit de ma façon d’être.
D’être moi.