Run Away [PV Saveur Exotique]

Sujet: Run Away [PV Saveur Exotique] 4/4/2010, 19:03

R.un A.way

D.o y.ou K.now m.e ?

Un léger zéphyr balayait de son souffle frais une clairière d’or. Si, partout ailleurs, la saison des feuilles mortes avait bel et bien commencé à dénuder les arbres, ceux qui surplombaient le doux courant de la rivière n’étaient que jaunis, et la rosée matinale les pailletaient d’une humide étincelle. Le murmure de leurs feuilles brunes évoquait le ronronnement d’un chaton... Ce spectacle ne l’émouvait pas. Cette saison qui rendait pourtant ses teintes aux parterres lui semblait fallacieusement grise. Il ne s’étonnait plus du crissement si particulier des feuilles sous ses pattes... Il n’était plus le même. Un tourbillon doré virevolta jusqu’à lui. Il ne lâcha qu’un murmure de mépris, comme s’il avait déjà suffisamment joué avec le jouet qu’on lui proposait de nouveau. Quelques lunes auparavant, il aurait rit de cet heureux hasard. A ce moment–là, il se contenta de s’ébrouer. Même l’exquis frémissement de l’onde à ses pattes ne lui fit tendre l’oreille. L’odeur pourtant si particulière et qu’il affectionnait tant de la terre humide, véritable met olfactif, le laissait indifférent. En cette pâle matinée de la saison des feuilles mortes, il avait compris que la blessure était là, profondément ancrée en lui.
Étoile d’Argent soupira. Jamais il n’aurait pensé en arriver là, haïr l’existence à ce point. Mais de la vie, il en avait. Neuf précisément. Il se surprit à se remémorer son passé, l’air hagard.
Il était noyé par la profondeur de son regard vert. L’éclat de sa rousseur et de sa blancheur pure conjugué. La perfection. Puis son image remplacée, aussitôt, par l’hideuse beauté de ce nouvel être. Le seul qui lui donnait encore véritablement une raison de vivre, le seul à pouvoir le faire jubiler devant le cadavre d’Étoile du Brigand, le seul à pouvoir le pervertir. Lui. Autour de lui, la pluie se mit à tomber à grand fracas. Il se dressait là, devant lui. Brume Illusoire. Son rire cristallin éclata dans toute la forêt et nul ne fut épargné par son impact. Il enfla jusqu’à saturer l’air. On le respirait. Il s’insinuait dans l’esprit, dans le corps et ôtait le cœur. La suffocation commençait...pour ne plus jamais finir.
Le meneur du Clan de la Rivière ouvrit les yeux. C’en était trop. Pas une nuit ce songe n’était venu l’assaillir. Il arrivait même à se l’auto infliger... C’est dire si ce cauchemar le pénétrait ! Le matou cendré se redressa alors de toute sa hauteur. Il était chef de Clan, désormais. Même si le désir d’anéantir le Chaos était une obsession dévorante, il se devait de mettre ses émotions de côté. Jamais sa tribu ne devait se rendre compte du moindre petit écart. C’était par l’autorité qu’il parviendrait à ses fins. C’était en les galvanisant qu’il les enverrait au gouffre. Il avait sciemment choisi un lieutenant on ne peut plus populaire, qu’il avait immédiatement reconnu en la personne de Fleur Éphémère. C’était essentiel. Une excellente guerrière en soit. Il n’aurait su dire pourquoi, mais il sentait qu’elle serait un élément déterminant dans l’assouvissement de son but.

L'oeil soudain vif, il décida qu’une petite chasse était le meilleur moyen de faire passer sa sortie pour intéressée. Adoptant instinctivement la posture du chasseur, il guetta, tendu à l’extrême, le moment où une proie aquatique aurait la mauvaise idée de s’approcher du bord. L’événement ne tarda guère. Un instant plus tard, une carpe gisait, arrachée à son élément, ses écailles luisantes sous la timide lueur du début du jour. Le chasseur s’empressa de lui ôter la vie. Il enterra à l’endroit même sa proie et entreprit la suite de sa chasse. Leur réputation de félins les mieux nourris de la forêt n’était pas totalement erronée mais prenait un sérieux coup lors des saisons les plus rudes : les chats du Clan de la Rivière avaient, comme toutes les autres tribus, de lourdes difficultés concernant la réserve de gibier... Malgré les poissons qui venaient grossir son importance, les mulots et autres volatiles se faisaient rares. C’était, comme d’habitude près de la rivière que le gibier abondait le plus. Docile envers lui-même, Étoile d’Argent se dirigea alors vers ledit lieu, foulant la terre spongieuse d’un pas lourd de sens, l’esprit dans le vague mais une seule obsession en tête.
Le soleil entamait sa lente descente sur l’horizon lorsque le meneur du Clan de la Rivière se rendit compte qu’il était courbatu. Il n’avait pas montré le bout de son nez durant toute la journée à sa tribu et il appréhendait quelque peu son retour. Passer pour un félin sans soucis pour les siens le dégoûtait au plus au point. Mais il avait un alibi en béton, il transformerait sa légère honte en gloire. Il avait de quoi être on ne peut plus fier. Quatre mulots, deux pinsons et trois carpes viendraient grossir le tas de gibier ce jour-là, et ce, juste grâce à lui. Ravalant sa fierté, il mit en place l’aspect pratique de sa longue chasse couronnée de succès. Il saisit trois des quatre mulots entre ses crocs et prit le chemin du camp. Il demanderait à un apprenti de l’aider à ramener le reste, il ne se souciait pas pour ça. Autour de lui, la nature ne cessait de rayonner de mille feux. Insensible à ces illuminations, le guerrier gris passa son chemin. Il en voulait même à leur Mère d’être si somptueuse. Son éclat à lui s’était éteint, pour l’éternité...
La tête pleine de panoramas, le chef de Clan aperçut enfin l’entrée du camp. Un mouvement furtif attira soudain son attention. La chose ne l’avait pas vu. Une bouffée d’adrénaline prit possession de son corps. Étais-ce celui qu’il recherchait ? Le félin cendré se fit alors aussi silencieux qu’il savait le faire et se mit à pister l’ombre. Un effluve familier vint alors chatouiller son odorat sensible. C’était donc Saveur Exotique...

Invité

« Pour moi aussi la chasse a été bonne. Le clan va être heureux. »

Sujet: Re: Run Away [PV Saveur Exotique] 13/5/2010, 15:57

La chatte aux reflets flavescents n’était même pas belle à ses yeux. Elle qui devait courir dans les rêves de bien des matous ne lui semblait que fade. Elle que les regards attirait ne possédait pas les charmes qui auraient égaillé le cœur du chef du Clan de la Rivière...Personne, d’ailleurs. Pas même la plus sublime des minettes n’aurait été apte à créer les circonstances de ce miracle. Son cœur était brisé à jamais, et ne lui servait plus qu’à vivre pour poursuivre son furieux dessein de mort. Le chat cendré, pourtant l’œil dans le vague décela soudain dans le regard de la guerrière une ombre de demi-surprise. Il comprit aussitôt qu’il avait oublié d’arborer son masque de chef, celui d’être vivant. Afin que le changement qu’il allait opérer physiquement ne soit pas trop flagrant aux prunelles attentives de Saveur Exotique, le matou cendré se lécha rapidement le poitrail. Ce subterfuge effectué, il était chef. Le vrai. Étoile d’Argent. Celui qui allait les envoyer à la mort. Tous. Enfermé dans ces desseins sanguinaires, le matou de cendre ne s’était pas aperçu du blanc qui s’était instauré entre les deux protagonistes de la scène automnale. Personne ne devait savoir. Pas une seule âme ne savait, de toute évidence. Apparemment, le Clan des Étoiles n’avait prévenu personne du changement draconien qui s’était effectué à l’intérieur du meneur... et cela représentait un net avantage du chef sur son Clan.

Estimant que le silence avait assez duré, la chatte auréolée de feu s’exprima enfin, de sa voix douce et mélodieuse :

" Pour moi aussi la chasse a été bonne. Le Clan va être heureux. "

Tirade plus que banale, en somme. Mais réaliste. Saveur Exotique avait amassé de son côté un gibier très abondant pour qu’il soit le fruit du travail d’un seul individu. Enfin, c’était une nouvelle dont le chef du Clan de la Rivière aurait dû se réjouir, comme tout bon meneur soucieux du bien-être de sa tribu... Mais lui ne voyait pas les choses sous cet angle angélique : pour son envie vindicative, gibier rimait agréablement avec force qui rimait encore plus délicieusement avec bataille. Et avec délivrance... Cependant cette séquence du plan était prévue ultérieurement, lorsque tous les éléments de la machine de guerre que serait le Clan de la Rivière seraient rodés à la perfection pour s’abattre d’un impact dévastateur sur l’entité du Chaos. Cette perspective demeurait, il l’espérait, dans un futur proche... Las du nouveau blanc qui s’était instauré encore une fois, il poursuivit :

"Autant ramener nos prises au camp, elles feront sûrement le bonheur des anciens... A moi que tu ne veuilles marcher un peu... "

Ses paroles résonnèrent un instant sous les arbres séculaires, frémissant légèrement sous la douce caresse du vent saisonnier. Non loin de là, la rivière clapotait doucement, et les oiseaux, pareils à tout un chœur, émettaient de joyeux gazouillis qui demeuraient en totale harmonie avec l’imperceptible froufroutement du gibier au sol, fuyant les deux prédateurs qui étaient tout simplement en train d’échanger des paroles tout aussi brèves, comme pour respecter ce délicat concert. Le moment rêvé pour une promenade, en somme.
La nature était belle. Quelle simplicité pourtant. L’automne s’étendait dans toute sa splendeur. Fidèle au Clan éponyme, la Rivière louvoyait plus malicieusement que jamais, filet aquatique et azuré au beau milieu de cette nature mordorée. La flavescence des parterres irradiait tout. Illuminait d’une aura de force Saveur Exotique, rendait la Rivière phosphorescente, égaillait les multiples vies sylvestres, réchauffait les âmes simples... mais ne le touchait pas.