La nuit se levait. Enfin, la journée était finie. Sourire, ignorer les remarques acerbes sur ses origines inconnu, sur son passé de solitaire, voilà qui était finit. Mais elle le savait, il lui faudrait encore plusieurs lunes pour que les mauvaises langues se taisent. Elle était Guérisseuse. Et en temps que tel, elle avait promis à un chef qui l'avait acceptée de rester aider ce Clan aussi longtemps qu'il en avait besoin, et qu'elle le pourrait. Elle se dirigea d'un pas las, à peine masqué par la pénombre, jusqu'à son antre. A peine avait-elle atteint l'entrée, qu'elle s'assit un instant. Ses yeux fermés, comme à l’accoutumée, elle faisait le tri. Non, même si elle essayait, elle ne pourrait dormir. Pas dans cet état, elle le savait. Les mots l'atteignaient, pis encore que n'importe quelle blessure qu'elle eu pu recevoir. Plus encore que ces griffures, ces coups de pattes qui l'avaient privé de sa vue. Noir. Ténèbres. Comme la nuit. A jamais, elle ne verrait que du noir. Jusqu'à ce qu'enfin, elle puisse rejoindre les Ancêtres. Les siens... Ou ceux qui veillaient depuis ce ciel dont elle ignorait tout. Clan des Etoiles, Clan de l'Aurore, ils n'étaient pas si différents. Impuissants sur le monde réel, ne pouvant que veiller, et prévenir.

Impuissance. N'était-ce pas également son état ? Tout comme Etoile avant elle ? Possédant les capacités, mais au final incapable d'agir. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était humer les odeurs, en déduire les distances et les maux, recourir aux plantes pour qu'elles soignent. Elle ne pourrait même pas former un apprenti correctement. Comment enseigner à bander une plaie, comment enseigner les bonnes proportions des mélanges sans pouvoir vérifier avec exactitude leur composition, sans voir les défauts de son apprenti ? La féline marchait désormais sur la plaine, d'un pas léger effleurant à peine l'herbe. ombre parmi les Ombres, elle errait, son pelage de nuit tâché de blanc se fondant dans le paysage. Qui était-elle, pour prétendre ainsi être Guérisseuse ? Qui était-elle donc, pour exercer cela, alors même que son Clan natal, loin, très loin, était promis à l'extinction, si ce n'était déjà fait ?

Clan du Chaos ? Ce n'était qu'une répétition de ce qu'elle avait déjà vécu, plus lente et plus insidieuse cependant que là-bas. Qui était-elle pour juger ce Clan, alors même qu'elle avait trahi et abandonné les siens ? C'est plongée dans cette sombre réflexion qu'une odeur parvint à son museau, lui signalant une présence. Un chat de son Clan. Et pas n'importe lequel. Mais elle n'avait rien à dire. Aucun mot à ajouter. Elle était Plume Ténébreuse, Guérisseuse accueille par le Vent, et en cette nuit, ses sombres pensées n'avaient besoin de mot. Elle s'assit, et leva la tête. Bientôt, la pleine lune sera là, alors que la terre se dégèle doucement. Et elle ne pouvait même plus la contempler, car les seules images que ses yeux acceptaient étaient celles des rêves.

[C'est court, mais ça suffira ^^]

Le soleil déclinait doucement du ciel, signalant la fin de journée. Encore un jour sans catastrophe, sans que personne ne soit blessé à part les quelques hématomes ou épines qui pouvaient encore subvenir. Mais ce n'était pas ce que j'appelais des blessures. Tout doucement, le clan se mit en veille, les uns allant se coucher et les sentinelles se préparant à une nuit de veille. Comme d'habitude. Je longeais la place de notre campement, attendrie par les différentes actions des chats présents. Une mère qui récupère ses chatons en les dolortant un peu, des amis qui se partagent une pièce de viande d'un air léger, les apprentis, éreintés, qui racontaien ce qu'ils avaient fait, lequel avait eu la meilleure prise... Cette ambiance de paix, bonne enfant, j'aimais qu'elle soit toujours présente. Mais en cette période, ce n'était pas toujours évident.

Je rentrais dans ma tanière et commença à m'installer pour dormir mais je me rendis vite compte que je ne trouverais pas le sommeil ce soir. Même confortablement lovée, mes yeux ne se daignaient de se fermer. A la bonne heure ! Un tourment ? Un souci ? La journée avait été calme, rien de perturbant. Alors pourquoi ? Ne voulant pas rester ici à m'énerver sur cette insomnie soudaine, j'entrepris de sortir faire un tour, à mon habitude. Pour une chef de clan, je n'étais pas toujours là. Je sortais beaucoup, trop pour certains. Mais me priver de liberté était cruel. On n'enferme pas un chat. Si les guerriers sortent très souvent, il en était tout autant de moi. Je comptais sur mon lieutenant en cas de soucis. Surtout que je n'étais jamais loin.

Je saluai les sentinelles en sortant du camp, qui voulurent me retenir avant d'abandonner. Contrairement aux autres guerriers, je n'avais pas qu'une seule vie. Il m'en restait pas mal au compteur. Et puis, les plateaux du territoire étaient vaste et surtout découverts. Je n'avais aucune cachette mais si un chien ou un blaireau s'aventurait par là, je l'aurais repéré bien avant qu'il ne me repère moi. Et puis, il ne fallait pas sous estimer son chef soi disant qu'elle est toute menue, petite, tel un apprentie. J'avais l'expérience et surtout la vitesse. Je n'avais encore jamais vu un chat courir aussi vite que moi.

L'air de la nuit était frais. Je gonflai ma fourure pour ne pas avoir froid. Tout en marchant en prenant soin de faire le moins de bruit possible, je regardais le ciel. Là haut, toutes les étoiles brillaient d'une lueur différente. Certains plus, d'autres moins. Tous les chats qui n'étaient plus de ce monde se rejoignaient ici. A part les traitres bien sur. Où étaient mon frère et ma soeur dans tout ca ? Ils étaient ma plus grande interrogation. POurquoi eux et pas moi ? La volonté du Destin pouvait se motrer cruelle. Je crus les voir courir à travers les nuages, heureux et scintillants de mille feux. C'était eux les plus lumineux. Ils n'avaient même pas pu devenir guerrier avant de mourir. Je me demandais si le clan des Etoiles pouvait changer cela, s'il y avait un baptème de possible. Si oui, j'espérais qu'ils eurent le leur. Quel nom pourraient-ils porter ? Pluie de Cendre ? Pelage Cendré ? Et pour ma soeur ? Fleur de Cerisier ? De Pavot ou de Lune ? Il y en avait tant que je me demandais moi même comment j'aurais fait pour choisir. ILs le méritaient tous les deux. De cette aventure causée par ma faute, ma volonté de me montrer aussi forte que les autres malgré ma taille, cette ambition stupide, je n'ai gardé qu'une cicatrice. Et une plaie profonde dans mon coeur. Les deux avaient trouvé la mort. Le destin est bien cruelle. Je ne devais pas mourir, alors ma famille m'a protégé. Si seulement j'avais ue plus de jugeote, peut-être seraient ils encore en vie...

Tout à coup, je sentis une odeur pas très loin de moi. Automatiquement, je me mis en position de traqueur. Précaution stupide car je reconnus l'odeur de mon clan. Quelqu'un était encore dehors ? Je me résignais à m'approcher furtivement, ce qui aurait pour effet de me donner l'image d'un chef de clan méfiant envers ses camarades. Je n'avais rien à craindre et le chat non plus. Je m'approchais d'un pas modéré, me demandant bien ce que la personne pouvait faire ici. J'espérais seulement ne pas la déranger.

Je reconnus assez vite de loin le pelage sombre, légèrement éclairé par quelques taches blanches, de la guérisseuse. Il est vrai que même si elle avait maintenant l'odeur du clan, il restait sur elle quelque chose d'indéfinissable, surement de là où elle vient. Je me souvenais le jour où elle était venue. J'étais sceptique moi aussi, me demandant pourquoi un chat étranger venanit ici, et surtout pourquoi guérisseuse ? Mais le lien qu'elle avait avec le clan des Etoiles se sentait tellement que je lui avais fait vite confiance. Les ancêtres ne se trompaient jamais. Je m'étais toujours demandé d'où elle venait exactement, pourquoi en était-elle partie. La pauvre avait même perdu la vue par un autre animal, peut-être un chat. Je n'avais jamais rien su d'elle. Je ne m'étais jamais posé la question à vrai dire. Mais de la voir seule dans la nuit noire me rappelait son arrivée. Cette chatte perdue qui était arrivé ici, qui subissait encore les remarques acerbes des autres chats, les loyaux qui ne jurent que par le sang pur des clans. Malgré tout, subir cela était dur. Jamais m'a t-on reproché mon erreur en étant apprenti. La vie peut-être bizarre.

Plume Ténébreuse, ce nom qu'elle portait si bien, avait du me sentir depuis longtemps. Néanmoins, la question la plus stupide qui soit me vint à l'esprit.

-Je ne te dérange pas ?

Bien sur qu'elle me l'aurait dit si jamais mais j'avais encore du mal à tout à fait la cerner. Peut-être hésitait elle à virer sa chef pour rester dans sa solitude ? Je ne savais pas vraiment. Je m'approchai encore et m'assit à côté d'elle. Elle semblait regarder le ciel, comme si elle arrivait à voir les différents chats qui scintillaient parmi les étoiles. Les voyaient-elle ? Je n'en savais rien. Je me mis à regarder au même endroit mais il n'y avait pour moi que les points brillants. A part mon frère et ma soeur, je n'avais vu personne d'autres. Si on enlève le moment où j'ai reçu mes neuf vies.

-Belle nuit ce soir ... Je comprends mieux pouquoi nous sommes toutes les deux dehors.

Mes paroles avaient autant de consistance qu'une souris maigre en pleine saison froide. Mais il était vrai que je ne savais pas quoi dire. En tant que chef de clan, peut-être... Les conditions ici n'étaient pas vraiment les mêmes. Un chef qui ne connaissait pas forcément bien sa guérisseuse, c'était d'un ridicule. Mais il y avait comme une barrière invisible autour d'elle. Une protection d'elle même ? Ou quelque chose à briser ? Encore une question sans réponse à ranger avec les autres...

-Je ne te dérange pas ?

Avait-elle l'air d'avoir besoin de compagnie ? Non, tout dans sa posture, dans son attitude, dénonçait bien son statut de réflexion interne. La voix d'Etoile d'Automne, sa chef, fit perdre à la féline le fil de sa pensée. Aussi retint-elle un soupir et écouta cette dernière.

-Belle nuit ce soir ... Je comprends mieux pourquoi nous sommes toutes les deux dehors.

Belle nuit... Plume Ténébreuse retint un rire cynique. Belle nuit... Quelle nuit ? Elle ne pouvait la voir, seulement entendre le silence. Elle ne pouvait la sentir, seulement ressentir le froid, la chaleur d'une journée ou l'absence de cette dernière de la nuit. Alors, belle nuit ? Qu'en savait-elle ?

- Belle nuit...? Peut-être...

Etoile d'Automne ne savait que dire, la Guérisseuse le sentait. Tout comme elle sentait les neufs présences qui émanaient de la féline. Neuf présences. Neuf vies. Les ressentait-elle dans son ancien Clan ? Non, car là-bas, les chefs n'avaient qu'une seule vie, ce n'étaient que des chats ordinaires, et pourtant, c'était là ce qui faisait toute leur grandeur. Ici, malgré tous les chefs qu'elle avait pu croisé, elle n'avait jamais retrouvé cette grandeur, ce respect qu'elle avait éprouvé envers son défunt chef, son mentor, celui qu'elle pouvait considérer comme son chef.

Ici comme ailleurs, le rôle d'un chef est le même, la féline en avait conscience. Protéger, guider. Ce sont leurs valeurs qui différaient, non leurs tâches, c'est ce qu'elle pensait, du moins. Mais ici, peu importe dans quel sens elle retournait le problème, les chefs étaient mis en retraits les uns par rapport aux autres. Ce qui faisait, chez elle, la spécificité de chacun était cette unique vie qui leur était accordée, car chacun peut finir par nuire aux siens, car plusieurs vies ne changent en rien la manière de chacun de guider les siens. Et chaque chef s'est, à tour de rôle et avec cette unique vie, battu et débattu pour la survie de son Clan.

Etoile d'Automne pensait-elle que la Guérisseuse voyait quelque chose, là-haut, sur ce qu'ils appelaient la Toison Argenté ? Pensait-elle qu'en ce moment même, je pouvais parler à l'un de ces défunts guerriers ? Sûrement. Ce n'était pas le cas. De tous les guérisseurs, elle savait que c'était elle qui avait le moins de lien avec le Clan des Etoiles. Et pourtant, elle avait vu la mort tellement de fois... Peut-être était-ce pour cela qu'elle savait déceler où sont les signes des morts. Comme la goutte qu'elle crut un instant sentir tomber sur son museau, mais il n'en était rien. Elle ferma les yeux, cessant de lever la tête. Une larme. Des chats morts pleuraient. Peut-on réellement pleurer, une fois mort ? C'est ce qu'elle se demandait, mais il semblerait qu'à cet instant, sa question mentale aie franchie la barrière de ses babines pour être prononcée tout haut, ou du moins, assez fort pour que l'autre féline présente en ces lieux puisse l'entendre.