Le pelage sombre de Nuage de Fumée sembla presque disparaître sous l’assombrissement crescendo. Aile de Flamme sembla pensive un instant puis elle regarda le chat gris, tout en répondant :

« Non, nous y allons maintenant sa sera plus facile avant que la pluie tombe »

La chatte au pelage roux s’élança dans le tunnel d’ajoncs du camp en courant. Tout en continuant, elle observait la forêt silencieuse. Seul le crépitement de l’eau ainsi qu’un rouge-gorge solitaire souillait le silence. Nuage de Fumée était juste derrière la chatte. Il regarda lui aussi les bois obscurs. La pénombre était maîtres des lieux. En face des deux félins, l’obscurité était présente. Les nuages et la pluie rendaient l’endroit assez lugubre. Le mentor du petit chat fit un brusque écart pour éviter un arbre. Ensuite, elle commença à ralentir l’allure, puis enfin elle s’arrêta. L’apprenti en fit de même. Aile de Flamme humait l’air humide, donc le félin fit comme elle. Une odeur un peu dissipée de lapin flottait dans l’air froid, faisant saliver le jeune chat. Il n’avait pas mangé ce matin. Il regarda sa mentor d’un air interrogatif, mais elle ne le vit pas et la féline a la robe rousse lui dit de suite :

« Regarde » souffla elle, «je vais lui faire la peau ».

Aile de Flamme s’élança gracieusement et silencieusement à la poursuite du lapin, qui était près d’un buisson. Le jeune chat resta caché et la chatte rousse continua face au vent. Elle prit à revers le rongeur, sur son flanc. Aile bondit mais le mangeur de carotte prit la fuite vivement. Mais la puissante féline poursuivit le lapin et elle le rattrapa facilement en quelques bonds dans ce paysage connut et plat. Un coup fatal et s’en fut fini. Une vie de moins. Mais de quoi nourrir ces prédateurs naturels. La balance de la vie restait en marche. Aile de Flamme montra fièrement sa prise au pied du félin aux yeux bleus saphir. Elle le déposa, puis la chatte se remit aux aguets. Nuage de Fumée lui aussi avait senti les vibrations sur leur droite. Les deux félins, en concert, se tournèrent doucement sur l’origine sourde du bruit. Ils y virent une souris. Nuage de Fumée se prépara à sauter mais Aile de Flamme fut la plus réactive. Elle bondit tel l’éclair sur sa proie qui n’eue le temps de rien faire de décisif. Une deuxième proie de tuée pour la chatte rousse. Le félin gris était impressionné par la rapidité de son mentor. La féline souriait fièrement. Elle dit au jeune chat :

« Et de deux » ;
« A ton tour maintenant montre moi se que tu sais faire ».

Les yeux comme l’océan déchaîné du félin au pelage sombre brillèrent de respect et d’envie. A lui de jouer ! Son cicérone comptait sur lui. Il allait faire de son mieux. Nuage de Fumée opina de la tête, il remua ses oreilles d’excitation. Sa queue se balançait de droite à gauche, hâtivement. Le félin gris respira un bon coup. L’air était toujours imprégné d’odeur de pluie et d’humidité, et toujours aussi froid. D’ailleurs, l’eau divine tombait toujours sur le sol trempé. Le petit chat gris fit quelques pas, puis il aperçu une petite mare gonflée par la pluie. Un mouvement rapide se répertoriât dans son œil bleu. Il s’approcha furtivement, veillant à ne pas craquer quelque chose sur le sol. Les feuilles mouillées collaient au pelage et aux pattes du minou. L’apprenti du Tonnerre s’éleva dans une petite montée et derrière un arbre, il vit sa proie. Un ragondin assez gros pour la saison. Il transportait quelques brindilles. Le matou gris prit son temps, il s’avança encore un peu. Quand le rongeur passa sous lui à deux pas, il sauta, envoyant des feuilles dans toutes les directions. Il atterrit sur le dos du rat. Sa proie fut surprise mais elle se débattit, se tordant pour mordre le chat. Nuage de Fumée esquiva d’une patte levée la morsure puis il enfonça ses griffes dans la nuque du petit animal. S’en fut fini. Le félin au pelage couleur cendre se releva et il apporta sa proie devant Aile de Flamme. Celle-ci le regarda et lui fit signe de continuer. Content de lui, l’apprenti du Clan du Tonnerre continua à chercher une autre proie insouciante. Mais pour l’instant, après ce remue-ménage, aucuns être vivant autres que les deux félins ne sortaient. Nuage de Fumée s’immobilisa, puis il fermait les yeux. Il mit tous ses sens en action, à part sa vue. Il se concentra sur les bruits de la forêt. Le clapotement de l’eau sur la terre boueuse. Le vent dans l’herbe trempée. Le bois qui craque. Puis un croassement grave mais symbolique. Nuage de Fumée ne bougea pas d’un poil. Il entendit un froissement d’ailes, presque silencieux. Puis un bruit indécis. Le félin gris rouvrit les yeux lentement. Devant lui, un peu plus loin, s’était posé un corbeau noir comme la nuit au bec jaune. L’apprenti aplati au sol son corps humide et sa queue. Il s’avança tel un reptile, plaqué au sol, rampant avec précaution et légèreté. L’oiseau de malheur lui tournait presque le dos et il cherchait quelque chose sur l’humus. Le matou à la robe silex était maintenant assez proche pour tenter quelque chose. Le jeune chat n’avait pas beaucoup d’expérience avec les oiseaux. Il se replia sur lui-même et fit un saut. Le corbeau prit peur d’un croassement affolé et tenta de s’envoler. Mais ne sachant trop comment, Nuage de Fumée atterrit presque sur lui et il attrapa d’un coup de patte bien placé les ailes tout en le plaquant au sol. Puis vivement, le félin au pelage sombre lui coupa la gorge. Il avait attrapé un oiseau. Le minou releva fièrement la tête. Son cœur était inondé d’un sentiment de réussite pour ses deux proies. Il tira sa proie jusqu’à sa mentor qui l’observait toujours, patiente. Il déposa sa nouvelle prise sur le butin du jour pour l’instant. Puis, il regarda Aile de Flamme en lui demandant :

- Alors ? Comment je me suis débrouillé ?