Une douce brise vint effleurer le pelage de la meneuse. La tête haute, assise en haut d’un tas de cailloux, elle observait sa meute avec fierté. Ils n’étaient pas beaucoup, seulement six et pourtant, elle avait l’impression qu’ils pourraient tout accomplir ensemble. Elle attendit le silence parmi l’assemblée pour proclamer avec un soupçon de malice :

Des murmures d’exclamation s’élevèrent parmi les chiens. Ils suivraient tous leur meneuse jusqu’à la mort. C’était grâce à elle qu’ils avaient chacun échappé à une histoire qui s’annonçait douloureuse. Misérable Vie, le pseudo-guérisseur du clan, était un peu plus sceptique par rapport à cette attaque. Même s’il détestait les chats, il ne voulait pas voir de sang couler. Il regarda les chiens s'animer, élaborer des plans entre eux. Même Monde de Folie, le plus âgé de la meute, semblait heureux de participer à un massacre de chats. Misérable Vie s'avança avec grâce vers la meneuse qui entreprenait sa toilette. Il tremblait, ne sachant pas la réaction que Mâchoire Mortelle allait avoir.

Mâchoire Mortelle fixait son interlocuteur avec un calme qui pourrait être terrifiant. Elle ne s'énervait jamais, ne prenant jamais de décision à la légère. Le labrador admirait ce sang-froid. La femelle était vraiment la meilleure pour être chef de la meute. Cette dernière fit un signe de tête à Museau Fin, sa lieutenante, qui se dirigea vers elle en sautillant. Elle salua Misérable Vie et écouta avec attention sa chef et amie.

La meneuse hocha la tête et intima à ses amis d'aller se restaurer. Elle fit de même, réfléchissant à la proposition de Misérable Vie. Elle observa son clan avec attention. Mouvement Rapide et Mémoire Double manquaient effectivement d'entraînement et Monde de Folie commençait à ne plus très bien avancer. De plus, Misérable Vie refusait encore une fois le combat. Elle termina de manger son lapin et monta sur le tas de cailloux pour appeler sa meute à l'ordre. Tous les chiens arrivèrent en même temps, intrigués par l'appel de leur meneuse.

Bien que moins enthousiastes à cette idée, les chiens approuvèrent la décision sage de leur meneuse. Cette dernière se retira dans sa grotte avec Museau Fin pour décider de qui allait voir qui.

Un murmure affolé s'éleva parmi les félins. Jamais ils n'avaient entendu des chiens parler avec une telle intelligence. Ils se regardaient tous, ne sachant que faire pour éviter l'inévitable. Une petite chatte au pelage bleuté se leva, fixant les nuages qui venaient de délivrer la vision des chiens. Elle réfléchit à toute vitesse. Le Clan des Étoiles n'avait pas la possibilité d'envoyer des éclairs pour abattre les chiens, ni une épidémie inguérissable. Les chats des clans allaient devoir affronter les chiens par eux-même, sans l'aide de leurs ancêtres. Pourtant, elle eut une idée. Elle réclama le silence en poussant un miaulement aiguë.

Les dernières paroles avaient un peu refroidi l'assemblée. Chaque félin, même provenant du clan du Chaos, savait que ce clan allait sûrement profiter de la situation pour devenir allié avec les chiens. Mais il fallait tout de même les prévenir, ils pourraient aussi être d'une aide précieuse pour les quatre autres clans. Les guerriers-étoilés approuvèrent la petite chatte en silence, qui s'occupa de confectionner les rêves pour les guérisseurs.

La lune éclairait les arbres, la rivière, la plaine, les grottes, les marécages. Son éclat rieur reflétait la clarté des éléments, et l'herbe bruissait doucement sous une brise nocturne. Celle-ci semblait murmurer, murmurer une sorte de complainte. Comme si elle connaissait l'avenir et apportait son lot de désolation. Dans les territoires, dans le cœur même de chaque, une onde pacifique semblait couler entre l'union de ces Tribus. Un rayon lunaire se posa sur une feuille solitaire, tombée de son domicile. Elle tremblotait entre les racines d'un arbre gigantesque, existant depuis la nuit des temps. La vie même se baladait dans la sève de ce centenaire, reliant son âme à la terre. Le ciel lui-même respectait cet arbre, tout comme les Quatre Autres qui se dressait dignement à côté de lui. Quatre Chênes ancestral, et qui depuis leur naissance avait vu bien des félins se réunirent autour de leur essence, bien des félins mourir devant eux, renaître, faire revivre leur espoir. Et quand le vent mauvais se dressait, ils avaient toujours vus ces chats reprendre du poil de la bête pour réussir et survivre, aussi longtemps qu'ils s'en souviennent. Et cette nuit là, les étoiles leur parlaient. Elles disaient leurs mots saupoudrés, brumeux, rauques. Et elles racontaient l'Histoire. Que cette histoire parvenaient jusqu'aux Clans, et ils en seraient les acteurs. Le regard de ces astres brûlait, montrait leur conviction. Et les arbres comprenaient que rien ne serait pareil. Alors du haut de ce ciel sans nuages, la brise soufflait, geignait, glaçait. Son murmure devint paroles; ses paroles criaient des mots durs; ces mots devinrent des morts. Boucherie, sang, déchirements. Rien n’empêchât cette vision d'horreur pure que personne ne put comprendre sauf en étant présent. Membres arrachés, ventres déchirés, gorges tranchées; et le sang coulait, tel les larmes de la vie. Toujours continu, toujours vermeil. Son flot intarissable remplissait chaque ruisseau, chaque flaque d'eau. Et pour vivre, on devait boire l'essence de nos frères, de nos amours. L'odeur de la mort se propagea partout, emplissant les narines et flottant dans l'air. Alors l'horreur exista réellement et la sensation de peur continuelle persista, comme être poursuivi par un fantôme. Et au déroulement de cette froideur, la forêt devint sombre et obscure. Le vent devint tempête hurlante; les nuages se figèrent dans le ciel, gris et menaçants. Chaque feuille perdit sa belle couleur, et une ombre perpétuelle sembla planer. La terre sifflait : son bruissement s'insinua partout. Alors chacun sut ce qu'il se passait, et la vie continua. Mais les étoiles exprimèrent leur compassion pour ces êtres chassés de leur confort, de leur sécurité. Alors dans la forêt, tout les chats firent une courte prière à ces étoiles, et elles leurs répondirent. Une suite s'ensuivrait. Jusqu'à que le mal soit éradiqué, la respiration de cette forêt resterait la même. Sifflante, bruyante, stressante. La vie continue..