C'est frustrant de se dire qu'on a passé toute sa vie à rechercher le perfection, à vouloir faire mieux et être au dessus des autres, à se surpasser, toujours et encore. Mais au fond qui n'a jamais rêvé de régner sur la forêt, qui n'a jamais rêvé de détrôner son chef ? Demandez cela à une assemblée de chats assis et vous verrez que très peu se lèveraient et de ceux qui se seront levé, la plupart seront des piètres menteurs. A quoi rimerait la vie s'il n'y avait pas de méchants ? Et si tout était rose, et si c'était le pays des bisounours ? La vie serait d'un ennui mortel. Et il se trouve que le clan du Chaos était celui des méchants, celui des félins sanguinaires et sans pitié. Alors appartenir à ce clan était-ce péjoratif ? Possible. Mais après tout pourquoi y aurait-il un bien et mal puisque chacun est persuadé de se battre pour la noble cause, ou du moins celle qui lui tien à cœur. Malgré cela, Poussière d'Etoile ne parvenait pas à regretter son arrivée au clan, il y a de cela plusieurs lunes déjà, lorsque Source d'Émeraude était au pouvoir. En tuant pour tuer, en faisant souffrir pour parvenir au pouvoir suprême n'était-ce pas pire que l'assassinat de sa mère ? Peut-être. Ou peut-être pas. Une chose au moins était sûre : peu importe sa conscience, peu importe si ses actions et ses choix étaient bien ou mal, elle se plaisait au clan du Chaos et elle ne le trahirait pas.

Poussière d'Etoile quitta la tanière des guerriers en fin de matinée. Elle avait toujours été de ceux qui se levait le plus tard, qui ne voyaient pas la matinée passer. Mais contrairement à ce que certains pensaient, ce n'était pas parce qu'elle avait besoin de plus de sommeil que les autres c'était simplement parce qu'elle se couchait toujours très tard. Non pas qu'en fin de journée elle n'était pas fatiguée mais c'était un peu comme si le fait de dormir l'effrayait pour la simple et bonne raison que dormir = rêve et cauchemar. Quand c'est un rêve, me diriez-vous, c'est bien de dormir. On a l'agréable sensation de croire le rêve réel sauf que lorsqu'on quitte cette transe, c'est comme un gout amer qui persiste au fond de la gorge. Une sensation de manque. Mais quand c'est un cauchemar c'est terrible pour la même raison que le rêve est si agréable, on a la mauvaise impression que tout est réel et quand on se réveille, le gout amer du rêve est remplacé par celui acide de la peur. Peur que le cauchemar se réalise, un jour, ou l'autre ... Alors la belle redoute le sommeil car il fait réveiller en elle des souvenirs qu'elle a eut tant de mal à oublier, ou du moins essayer d'oublier.

La rouquine trottinait tranquillement le long des territoires du clan du Chaos. Elle se sentait bien. Mieux. Elle était contente d'avoir enfin rejoint le clan après sa petite pause suite à la bataille. De plus ses blessures c'était refermées, les égratignures avaient disparut et son poil avait repoussé dans les zones imberbes. Et pour combler son bonheur - si rare ces temps-ci - la saison hivernale prendrait bientôt fin et le printemps arriverait avec son lot de soleil et de douce brise parfumée de proies potentielles. Rarement, pour ne pas dire jamais, la guerrière n'avait été aussi heureuse depuis la mort de sa mère. On regrette souvent le passé, on se méfie du futur et on ne profite pas assez du présent. Elle était comme ça mais aujourd'hui elle voulait en profiter. Rappelez-vous qu'hier est parti pour toujours, que demain ne viendra peut-être jamais, seul aujourd'hui vous appartient alors profitez de chaque instant de votre vie. Ses pattes la menèrent aux grottes, peut-être un des seuls lieux de la forêt de CerfBlanc où il est possible de se perdre. Étant donné que le clan du Chaos n'imposait rien à ses guerriers, elle n'avait rien d'autre à faire que de s'offrir une petite balade à l'intérieur de ces roches sombres. Ce qu'elle fit sans hésitation.

A partir du moment où elle pénétra dans les grottes ce fut comme si le noir s'engouffrait dans son esprit, ses pensées. Comme s'il l'oppressait. La chatte rousse attendit quelques secondes que ses yeux s'accoutument à la pénombre. Elle traversa la première grotte se fiant plus à son odorat qu'à sa vue. Après plusieurs petites grottes traversées, son museau lui apprit qu'elle n'était pas seul. Qu'un autre matou était déjà sur les lieux. A l'odeur elle reconnut son propre clan. Un flot de lumière descendait d'un trou dans le plafond jusqu'à un chat blanc, presque fantomatique. La vision de cette scène était étrange, bien qu'elle voyait le félin de dos, elle ne parvint pas à mettre un nom sur ce pelage, cette odeur. Apparemment il ne l'a remarqua pas tout de suite, comme s'il dormait debout. Mais au bout d'un moment il se retourna en la saluant et en se présentant. Mettant de côté son sale caractère habituelle, Poussière d'Etoile répondit sans animosité ni arrogance. Ce qui en soit était exceptionnelle mais aujourd'hui et pas un autre jour elle était de bonne humeur et pas d'une humeur de chien alors ...

Et oui malgré cette humeur joyeuse c'était elle, Poussière d'Etoile et on ne la changerait pas ! Alors même si pour l'instant ses petites piques restaient prisonnières de ses pensées, son habitude à ne pas répondre directement et à laisser planer le doute de ses interlocuteurs était toujours là. Ce qui énervait .. ou pas !

Quand elle discerna nettement mieux le matou blanc, la belle le détailla de haut en bas. Son pelage était plus long que la normale qui l'avait plutôt ras, c'était au contraire une fourrure fourni. En regardant son pelage, tout le monde devait avoir envie de se rouler dedans, de toucher le poil soyeux. La rouquine ne distinguait pas très bien ses yeux qui étaient dissimulés par la pénombre du roc mais elle les devinaient sombre. Son visage était cruel et froid. Tel que l'était la plupart des visages des guerriers du clan du Chaos, mais son visage à la fois angélique par sa beauté et diabolique par son expression avait quelque chose d'étrange. Comme si le bien et le mal, le blanc et le noir, menaient un combat perpétuel. De son museau naissaient des moustaches aussi blanches que celles de Poussière d'Etoile. Son corps était musclé tout en n'évoquant pas forcément un bloc de muscles, il restait fin. Malgré son arrogance et sa fierté, la lieutenante devait bien l'admettre, ce '' Divinité " était beau. Et d'une beauté peu commune. En soi, pour elle ce n'était pas compliquer de penser cela, ça n'avait rien de difficile. Ce qui était impossible c'était qu'elle l'admette de vive voix car la plupart du temps quand elle donnait la chance à quelqu'un d'entendre sa voix mélodieuse c'était pour le provoquer.

Divinité des Profondeurs paraissait amusé, même son visage avait été éclairé par un petit sourire au coin des lèvres. Qu'y avait-il de drôle ? La plupart du temps, tout ce qu'elle disait énervait les autres, leur faisaient perdre leur sang froid, les remplissaient de questions auxquelles elle prenait un malin plaisir à laisser sans réponse. Mais là non. Et d'un côté il l'avait même un peu coincée puisqu'elle n'avait pas vraiment vu quelque chose qui méritait qu'elle le crie sur tous les toits. La chatte ne s'en vexa pas. Au contraire. Son interlocuteur avait de l'audace et elle aimait ça. Quoi de pire que les chats sans personnalités ? Ce qui la fit rire intérieurement ce fut le vouvoiement. Très rarement on la vouvoyait et jamais elle n'avait vouvoyer quelqu'un, que ce soit un ancien, un chef ou un guérisseur. Mais en même temps ça montrait moins de familiarité, plus de respect, d'après elle. Savait-il au moins qu'elle était la lieutenante du Clan du Chaos ? Elle n'avait jamais été très doué pour se souvenir des noms mais quand même de là à oublier un propre membre de son clan ?! Peut-être était-il arriver après la bataille, pendant qu'elle faisait croire à tout le monde qu'elle avait péri au combat. Au moins maintenant elle connaissait son nom.

Poussière d'Etoile plongea ses yeux verts émeraudes si rares dans ceux du mâle. Comme pour rechercher quelques traits de caractères. Mais ses yeux ne dévoilèrent rien, il devait faire preuve de pas mal de sang froid pour ça. Car même elle n'arrivait pas à camoufler ses émotions, son regard livrait tout ou presque d'elle.

- Euhm ... Elle fit mine de réfléchir. Possible. En train de rêver de pouvoir peut-être ?

La chatte rousse mima l'effroi, comme si le simple fait d'avoir prononcer ces mots l'écœurait. Mais une lueur d'amusement luisait au fond de ses prunelles. Elle se doutait bien que pendant qu'elle était absente, les guerriers avaient dû tous rêver de la remplacer. De se voir hisser à un plus haut grade; celui qui les rapprocherait le plus de chef suprême du Chaos. Et pourtant le nouveau chef, ce Brume Illusoire, n'avait pas eu le temps de nommer un nouveau chat pour le seconder qu'elle était déjà revenue prête à reprendre son poste. Après tout pourquoi ne le récupèrerait-elle pas ? Qui mieux qu'elle méritait cette place si prisée ?

Sur ce coup-là le mâle au pelage fantomatique n'avait pas tort. Ici, au clan du Chaos, les félins étaient libres de leur emploi du temps. S'ils voulaient flâner ou se balader, seuls ou accompagnés, il le faisaient. S'il voulait s'offrir un petit combat sur les territoires des quatre clans ils le pouvaient. Mais comme dans n'importe quelle chose, il avait ses avantages et ses inconvénients ... Un des principaux inconvénients était la loyauté. Les membres de ce clan sanguinaire n'avaient ni foi, ni loi. C'était sûr et certain que chacun préparait ses plans machiavéliques à l'abri des regards curieux. Aucun ne pouvait prétendre n'avoir jamais trahi ou avoir l'idée de trahir quelqu'un. Dans ce clan, personne ou presque n'étaient dignes de confiance mais au moins la plupart n'étaient pas hypocrites contrairement aux idiots des clans de la forêt. C'était aussi une des multiples raisons pour laquelle Poussière d'Etoile avait quitté le clan de l'Ombre. Elle n'avait pas sa langue dans sa poche et de ce fait détestait ceux qui faisaient les gentils par devant pour ensuite vous poignarder dans le dos. En fait c'était une histoire de confiance et au fond dans n'importe qu'elle clan, il vaut mieux surveiller ses arrières.

Divinité des Profondeurs prétendait ne pu être intéressé par le poste de lieutenant. Au moins il avait l'honnêteté de dire qu'il l'avait désirer, comme tout le monde au Chaos. Mais de là à croire qu'il y avait renoncé .. ? Bizarrement et malgré le masque de froideur qu'il affichait toujours sur son visage, la belle ne pensait pas qu'il lui mentait sur ce point là. Il ne lui inspirait pas l'hypocrisie mais plutôt, un peu comme elle, le franc parler sauf que lui avait l'avantage de ne pas perdre son sang froid à la moindre pique contrairement à elle qui avait plutôt un caractère explosif et qui prenait la mouche à la moindre remarque déplaisante ou presque.

La rouquine reprit quelque peu son sérieux.

Sans trop réfléchir elle l'avait tutoyer mais bon ce n'était pas dans son habitude de vouvoyer, encore moins quelqu'un de son clan alors ...

Le guerrier blanc avait affirmé cette phrase. Sans poser tout simplement la question habituelle : Comment tu t'appelles ? Et heureusement parce que notre dame rousse trouvait cette interrogation d'un puéril. Cela faisait chaton qui n'a pas d'amis plutôt qu'autre chose ! Cela prouvait aussi que le matou avait une certaine présence d'esprit. Poussière d'Etoile apprécia. Mais cependant, elle qui avait toujours l'habitude de laisser flotter autour d'elle une auréole de mystère hésita. Elle aimait bien répondre indirectement aux questions, laisser son interlocuteur se creuser les méninges pour trouver un sens à ses paroles. Au premier coup d'œil, elles ne voulaient rien dire mais au fond, chacune avait un sens précis après libre à ceux qui les entendaient de les interpréter comme bon leur semblait. La jeune lieutenante se décida enfin à répondre, de toute façon même si ce n'était pas elle qui le lui disait il l'apprendrait de la bouche d'un autre alors comme elle était d'humeur généreuse, elle lui laissait encore profiter de sa douce voix.

Quelqu'un qui n'aimait pas commander ? Diriger ? Intéressent comme trait de caractère. Peut-être un jour s'en ferait-elle un allié ? Leur caractère paraissait complémentaire. Mais Poussière d'Etoile n'aimait pas particulièrement non plus faire sa petite sous-chef. Le vrai avantage d'être lieutenant c'est que l'on ne reçoit d'ordres de personne. Ils inspirent le respect et la crainte. La plupart des félins du clan les respecte pour la bonne raison qu'ils espèrent que lorsque ce fameux lieutenant secondera le meneur, il choisisse l'un deux pour le seconder. Là était la règle de l'hypocrisie et de l'envie de pouvoirs. Invivable et pathétique. Mais il faut avouer que donner quelques ordres et reproches par ci par là ne faisaient pas de mal ... De plus c'était très satisfaisant pour l'égo. C'est pour ça que la rouquine n'avait aucune envie de perdre ce rang. Elle détestait par dessus tout se faire dicter sa conduite alors un lieutenant à sa place alors qu'elle avait été '' viré '' ? Rien de pire. Rien de plus rabaissant pour l'orgueil démesuré de la jeune chatte. Quoi qu'il arrive en tout cas une chose était sûr, elle ne se ridiculiserait pas. Même si du coup le poste de lieutenant lui échappait, au contraire, de nombreuses rumeurs courraient sur le nouveau sous-chef. Et oui on se frotter pas à la belle Poussière d'Etoile sans se piquer, de même que l'on n'engageait pas un combat sans en sortir sans la moindre égratignure. C'était dans son tempérament. Peut importe la bataille, elle irait jusqu'au bout.

Elle accompagna ces paroles de son éternel sourire. Et oui ! A la liste si peu fournie de ses qualités vous pouvez tout de même ajouter l'humour, car la belle rousse n'en manque pas surtout quand le printemps arrive avec, par la même occasion, sa bonne humeur.

Poussière d'Etoile perdit son sourire. Juste en échangeant quelques phrases avec elle et en apprenant son nom, Divinité des Profondeurs avait su faire un résumé de sa personnalité. Oui elle brillait. Par sa beauté et ses éclats de rire. Voyageuse. Mouais. Il est vrai qu'elle n'aimait pas faire toujours la même chose, elle avait toujours besoin d'un peu de piquant dans sa vie, comme si elle était constamment à la recherche de ce petit grain de folie, de ce sentiment qui vous fait vous rendre compte que la vie est tout de même précieuse, cette chose, qu'on appelle le danger est un peu comme un parfum qui vous attire pour finalement, un jour ou l'autre vous emmener de l'autre côté ... Sur le point ou le matou avait le plus marquer un point c'était le fait qu'elle pouvait exploser n'importe quand sans prévenir. Et dans ces moments-là, croyez-moi mieux vaut ne pas trainer sur son passage !

La lieutenante laissa échapper un sourire lasse. Ses amis avaient de la chance ? Beh apparemment c'était l'un des seules à le penser pour la bonne raison qu'elle n'avait qu'un seul ami, Brise Tempétueuse. Au fond, peut-être pourrait-elle avoir des tas d'amis mais je ne pense pas que c'est ce qu'elle souhaitait. A partir du moment où son père avait achevé sa mère, des murailles presque impénétrables s'étaient formés tout autour de son cœur car ceux que l'on aime sont aussi ceux qui nous font souffrir et sur le coup elle avait eut sa claque. Elle ne voudrait plus jamais revivre ça, perdre une personne cher à ses yeux et découvrir la trahison d'un autre. Car oui, même si au fond elle ne l'admettrait jamais, elle avait peur. Oui peur de s'attacher. Car le sentiment qu'elle avait eut il y a de cela plusieurs lunes étaient pire que tout. C'était en autre pour ça qu'elle était devenu ce qu'elle était, provocatrice et franche.

Le mâle en déduirait certainement qu'elle n'avait pas d'amis, ce qui était vrai mettant à part Brise Tempétueuse. Comme le vent balaie les feuilles les jours d'automne, ce fut comme si la seule phrase '' vos amis ont de la chance '' avait effrayé sa bonne humeur qui s'était recroquevillée tout au fond d'elle.