Les quelques rayons de soleil matinales traversent le doux rideau de lichen closant la tanière de la meneuse, pour venir lui caresser le visage, les yeux toujours clos. Elle ronronne puis sourit automatiquement avant de se lever en soupirant. Malheureusement, son sommeil n'a pas été des plus reposant. A vrai dire, son sourire était quelque peu ironique. Cette petite exquise n'était qu'une façon de balancer à cette grosse boule de feu éclairant tous les jours la forêt qu'elle se fichait d'elle. La jeune femelle écaille avait encore une fois, très mal dormi, réveillée au moins cinq fois par ces atroces cauchemars. Elle n'avait que très peu sommeillé dans les bras de Morphée entre son dernier rêve et son réveille définitif. Eh oui, plus le temps de dormir. Alors elle avança doucement pour apercevoir, là, dehors, les quelques matous éveillés qui s'activaient déjà dans le camp. Elle était fier de son Clan. Le diriger n'était peu être pas la tâche la plus facile qu'il soit. Mais qu'importe, elle était trop entêtée pour renoncer à faire les choses à sa manière.

Elle sauta du petit promontoire puis atterrit agilement sur le sol poussiéreux soulevant des milliers de petites étoiles qui lui firent remuer les moustaches. La femelle tricolore s'approcha du tas de gibier pour attraper un petit mulot largement capable de la rassasier, elle et son petit appétit. S'accroupissant sur l'animal gisant au sol, elle plongea ses crocs dans la viande dont l'odeur lui chatouillait les narines. Le museau couvert de sang, elle finit rapidement son déjeuner. Se relevant en poussant un râle néanmoins silencieux, Valse Étoilée s'approcha de la pouponnière. Elle s'assit devant, observant deux chatons qui se bagarraient, se prenant pour de vrais guerriers. Les deux petits félins roulaient dans la poussière devant les yeux de leur Chef qui souriait sans mot dire.

- « Va - t - en espèce de sale renard ! Je suis un vrai guerrier et je compte bien me battre pour mon Clan ! » -

L' autre chaton, plus jeune, le repoussa d'un coup de patte. Cela se voyait que le petit matou observait les apprentis s'entrainer. Certaines techniques étaient d'ailleurs presque reproduites à la perfection.

- « Oh, la ferme, c'est moi le guerrier, toi, tu n'es que le blaireau que je dois chasser d'ici avant que tu ne t'en prennes au Clan tout entier ! » -

Valse Étoilée ricana doucement, malgré tout assez fort pour que les deux chatons l'entendent avant de s'approcher d'elle en courant, ne l'ayant remarquée plus tôt. Ils semblaient heureux. La meneuse bicolore sourit aux petits félins qui miaulaient en même temps.

- « T'as vu ! Je l'ai terrassé ! Personne ne peut me battre de toute manière. » -

Lança le premier avant que son frère ne lui donne un coup de patte sur le front en grimaçant. Valse Étoilée reposa son regard sur le deuxième chaton qui miaula plus fort.

- « N'importe quoi ! J'espère que tu as vu ces super techniques que j'arrive à faire, hein, Valse Étoilée ! » -

La Chef de Clan ria de plus bel en passant d'un chaton à l'autre, ses beaux yeux verts se posant sur eux, leur lançant un regard empli d'amour même si ils n'étaient ses propres petits. Elle n'en avait jamais voulu. Et n'en voudrait sûrement pas. En effet, sa lignée s'éteindrait le jour où elle rejoindrait le Clan des Étoiles. Triste, mais c'était comme ça. Elle avait des responsabilité, et avait clairement refusé de prendre ce chemin - là même si elle n'avait vraiment choisie de devenir Chef.

- « Vous étiez tous les deux parfaits et je vous prévois un avenir glorieux ! » -

Heureux, les deux chatons reprirent leur occupations alors que la Chef se dirigea enfin vers la tanière de Bulle Éternelle, la chère guérisseuse de l'Ombre. Valse Étoilée l'appréciait. Mais quand elle franchit l'entrée de la tanière, elle n'aperçut pas la femelle tricolore aux yeux changeants. Mais un matou noir de jais, plutôt haut sur patte dont les yeux étaient différents l'un de l'autre. Concentrée dans ses rangements de plantes, Valse Étoilée ne croisa pas encore le regard bleu et vert de la jeune femelle qui semblait être passionnée par son travail. Jamais la meneuse n'avait sous - estimé les guérisseurs, et jamais elle n'oserait le faire. Mais pour elle, ce rang devait être vraiment ennuyeux. Mais après tout, elle n'y connaissait pas grand chose. S'asseyant non loin du matou noir pratiquement plus grand qu'elle, elle lui lança de sa petite voix aiguë :

Le jour se lève. Encore. Je me réveillai après une bonne nuit sans rêves. Ca faisait du bien de bien dormir de temps en temps. Les yeux à peine ouverts, j'étirai mes os ankylosés. Je n'avais presque pas bougé et c'était plutôt mauvais pour les articulations. Quelques os semblaient content de bouger un peu. Le silence régnait. Il devait être encore tôt, les guerriers n'étaient pas encore tous réveillés. Pourtant, Nuage d'Ombre avait déjà quitté sa litière. Elle était chaude, cela ne faisait pas longtemps. Je baillai et continuai mon chemin vers la réserve de plantes. S'il en manquait, je me devais d'aller chercher celles qui manquaient. Je comptai chaque petite herbe. Cela peut sembler long, mais avec un peu d'habitude, on arrive à tout compter assez rapidement. Il me manquait des feuilles de soucis et de la menthe aquatique. Je soupirai. J'entraînerai Nuage d'Ombre en revenant. Je sortis de mon antre. Le clan avait une petite activité. Beaucoup de félins étaient encore plongés dans un sommeil profond. J'agitai nerveusement la queue. L'astre de feu éclairait déjà beaucoup trop la clairière. Généralement, cela prévoyait un orage. Je détestais l'orage. Je balayai quelques secondes le campement. Mon apprentie mangeait doucement une pièce de gibier. J'allai la rejoindre, mais celle-ci s'éclipsa dans un coin pour se faire une petite toilette. Je souris instinctivement. Je la laisserai un peu tranquille, elle avait besoin d'un peu d'intimité. Je pris un maigre campagnol qui traînait dans le tas de gibier et commençai à le dévorer jusqu'aux os. Malgré le fait que ce peu de viande ne m'eut pas rassasiée, j'enterrai la carcasse sans reprendre à manger. Je n'avais pas le droit. Puis je pouvais facilement maîtriser des petits maux de ventre alors que les reines avaient besoin de beaucoup plus de nourriture que moi. Je léchai un peu mon pelage histoire de le lisser un peu et m'éclipsai hors du campement pour aller chercher les herbes qu'il manquait.

Être un chat, ça a de nombreux avantages. Ils sont différents par rapport aux chats domestiques et aux chats de clans. Les chats de clans peuvent aller vagabonder dans la forêt comme bon leur semble. J'aimais beaucoup cette liberté. D'ailleurs, je plaignais les chats de la ville d'être, pour la plupart, enfermés dans des maisons où l'on crève de chaud. De plus, vivre avec des bipèdes et des monstres métalliques n'était pas vraiment ma voie. Mes pattes touchaient le sol sec de la forêt. Cette impression de voler était agréable. J'étais seule et n'échangerai pour rien au monde ma place. Un peu de solitude ne faisait pas de mal. Je me concentrai sur ma mission pour revenir le plus tôt possible au campement. Il fallait que j'accélère l'entraînement de ma belle novice. Un sourire gagna mon visage en voyant cette belle chatte. J'étais fière de l'avoir en apprentie. Une odeur familière imprégna mes narines. Des feuilles de soucis. D'un simple regard, je localisai les feuilles qui étaient accrochées à un petit buisson. J'en décrochai quelques unes, les immobilisant dans un petit ballot, ce qui était pratique pour les transporter. Ensuite, je me dirigeai vers les marécages pour aller chercher de la menthe aquatique. Cette dernière ne poussait qu'à un endroit précis et était rare. Pour en trouver un peu plus, il m'aurait fallu aller demander à Museau de Givre, le guérisseur du clan de la Rivière. Mais je n'en avais aucune envie. Je pouvais me débrouiller seule pour les plantes. Après les avoir repérées et cueillis, je repris le chemin vers mon camp, deux petits ballots pendant à ma gueule. Quand j'arrivai au camp, je sentis la présence de mon apprentie et de ma Chef dans ma tanière. J'accélérais ma cadence en espérant qu'elle ne soit pas blessée. Heureusement, les félines étaient sagement entrain de discuter. Je passai la tête à travers le tunnel qui menait à ma tanière et lâchai les deux ballots à l'entrée.

« Salutations, Valse Étoilée. Tu n'es pas blessée, j'espère ? Et bonjour à toi Nuage d'Ombre, tu étais bien matinale ce matin ! D'ailleurs, aujourd'hui, il faudra s'entraîner. Je crains avoir un peu de retard, bien que nous ayons suffisamment de temps. On ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve ! »

Mon ton était neutre et je l'espérais doux. Je leur fis signe de m'attendre quelques secondes. Je pris mes herbes et les rangeai délicatement à leur place. Bien, maintenant, j'avais toutes les herbes de prêtes. Enfin, presque. Il m'en manquait pas mal, mais elles n'étaient pas très importantes. Généralement, je ne les utilisai jamais et elles finissaient par dessécher dans mon antre. Je secouai ma tête pour enlever une petite boule de mousse qui s'était logée entre mes deux oreilles. C'était affreusement gênant. Je baillai et retournai d'un pas vif vers ma chef et mon apprentie. Je leur fis un léger sourire, attendant que l'une d'entre elle prenne la parole.